
Les navires américains déployés au large des côtes norvégiennes vont devoir se trouver un nouveau fournisseur de fuel. Dans un message publié sur Facebook, samedi 1er mars, la compagnie Haltbakk Bunkers, opérateur numéro un dans les ports norvégiens, a indiqué qu’elle cessait « immédiatement » de ravitailler les bateaux de la marine américaine. Une décision prise à la suite du « plus grand merdier jamais présenté en direct à la télévision par l’actuel président américain et son vice-président », déclare la société, dans un communiqué, publié quelques heures après le clash entre le président ukrainien Volodymyr Zelensky et Donald Trump, à la Maison Blanche.
Aussi radicale qu’elle puisse paraître, cette annonce n’en est qu’une parmi d’autres, dans les pays nordiques, où le mouvement appelant à boycotter les marques américaines prend de l’ampleur. Ces dernières semaines, plusieurs groupes ont vu le jour sur Facebook, listant les produits et services à mettre à l’index. Si l’impact de cette action est encore difficile à évaluer, les participants espèrent inspirer une mobilisation plus large, au niveau européen, capable de faire trembler les entreprises américaines.
Dans son communiqué, conclu par le slogan « Slava Ukraini ! » (« Gloire à l’Ukraine ! »), Haltbakk Bunkers, dont le compte Facebook n’était plus accessible dimanche 2 mars, rend hommage à la retenue du président ukrainien, face au « spectacle télévisé de plantage de couteau dans le dos », organisé par l’administration américaine. « Cela nous a rendus malade », affirme l’entreprise, qui « encourage tous les Norvégiens et les Européens à suivre [son] exemple ».
Décision « morale »
Cette initiative a mis Oslo dans l’embarras. Spécialisée dans les services d’avitaillement aux navires opérant dans les eaux norvégiennes, Haltbakk Bunkers joue un rôle important dans l’industrie maritime du pays, en fournissant du carburant aux navires y faisant escale, y compris à ceux des forces de l’OTAN. Dans un communiqué, le ministre norvégien de la défense, Tore Sandvik, a assuré, dimanche 2 mars, que la décision de la compagnie « ne correspond pas à la politique du gouvernement » et que « les forces américaines continueront à recevoir de la Norvège les fournitures et le soutien dont elles ont besoin ».
De son côté, le président de Haltbakk Bunkers, Gunnar Gran, défend une décision « morale » et rappelle que sa compagnie a cessé de fournir les navires russes, dès le début de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine. « Aujourd’hui, les Etats-Unis sont exclus en raison de leur comportement à l’égard des Ukrainiens », a-t-il expliqué au journal économique Kystens Naeringsliv, ajoutant que « pas un seul litre ne sera livré [aux navires militaires américains] tant que Trump n’aura pas quitté le pouvoir ».
Sur les groupes Facebook appelant à boycotter les produits et services américains en Europe du Nord, les propos de M. Gran ont été applaudis. Fort de plus de 48 000 membres, le groupe danois « Boycott varer fra USA » a été créé le 3 février. La veille, le vice-président américain, J. D. Vance, avait qualifié le Danemark de « mauvais allié », provoquant l’indignation des Danois, après que la première ministre, Mette Frederiksen, a refusé de céder le Groenland aux Etats-Unis.
Le 19 février, un groupe similaire a vu le jour en Suède. Lundi 3 mars, à 7 heures, plus de 32 500 personnes l’avaient rejoint. Selon ses administrateurs, il est « né de la frustration » à l’égard d’un monde « devenu beaucoup plus incertain et imprévisible, depuis le 20 janvier », date de l’investiture de Donald Trump. A longueur de messages, ses membres publient le nom des marques et produits à boycotter.
Pratique bien ancrée
« J’ai arrêté d’acheter des produits alimentaires provenant d’entreprises américaines, telles que Heinz, Kelloggs, Snickers, Tuc. J’ai changé de moteur de recherche, pour passer de Google à Ecosia. J’ai annulé [mon abonnement] à Netflix pour utiliser [le suédois] Viaplay. Je vais aussi revoir mes investissements financiers », confie Therese Sjöström, au Monde. Tout en regrettant de devoir utiliser Facebook pour échanger, d’autres disent avoir vendu leurs actions dans des compagnies américaines. Charlotte Betulander, elle, vient de « passer un ordre de vente » auprès du fonds de pension AP7, géré par l’Etat suédois, et qui a « 69 % de participations sur le marché américain », s’indigne-t-elle.
Le boycott est une pratique bien ancrée en Suède, rappelle Hube Andersen, un membre du groupe, qui se souvient de l’action menée contre les produits français, au début des années 1990, pour protester contre les essais nucléaires dans le Pacifique. « Acheter des produits américains à notre époque équivaut à soutenir la tentative de la Russie d’écraser son frère européen », affirme-t-il.
« En boycottant les produits américains, nous pouvons mettre quelques cartes dans les mains de Zelensky », complète Jakub Zulinski, qui espère faire plonger « la Bourse américaine dans le rouge pendant quelques jours ». Peut-être alors que « Trump se rendra compte que ça ne vaut pas la peine de faire des affaires avec Poutine », dit-il.
Source :
Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com