
Le Parisien – Voici une nouvelle statuette pour sa collection. Et ce n’est pas n’importe laquelle. Ce vendredi soir, Abou Sangaré, 23 ans, a remporté le César de la meilleure révélation masculine pour sa performance dans « l’Histoire de Souleymane » de Boris Lojkine. Il avait déjà gagné quatre trophées avant celui-là : le Prix d’interprétation masculine dans la section « Un certain regard » au Festival de Cannes, le trophée du meilleur acteur au prix cinéma Evok Collection, le prix du cinéma européen du meilleur acteur et le Prix Lumière du meilleur acteur.
Dans « l’Histoire de Souleymane », Abou Sangaré incarne Souleymane, un Guinéen qui livre des repas à vélo à Paris. Dans ce parcours du combattant, il est méprisé ou maltraité par certains clients ou restaurateurs, aidé par d’autres. Parce qu’il doit bientôt passer son entretien pour obtenir une demande d’asile, Souleymane tente d’apprendre par cœur l’histoire ― mensongère ― qu’il compte raconter… Mené à cent à l’heure, le long-métrage prend aux tripes et décrypte avec finesse les raisons qui ont poussé cet Africain à traverser la Méditerranée. Abou Sangaré, lui, est d’une intensité rare et son regard est inoubliable.
Ses titres de séjour d’abord refusés
« L’Histoire de Souleymane » est le premier rôle de ce jeune homme qui n’avait jamais envisagé de faire du cinéma. Car l’histoire d’Abou Sangaré, elle aussi, commence en Guinée. À 15 ans, l’adolescent décide de partir en Algérie pour gagner de quoi soigner sa mère, atteinte de violentes crises d’épilepsie. Au bout de trois mois à travailler dans le bâtiment à Alger, il comprend qu’il n’est pas suffisamment bien payé pour envoyer de l’argent chez lui. Mais il a assez en poche pour rémunérer des passeurs qui l’emmèneront en Libye, puis vers l’Europe sur un Zodiac. Après avoir failli couler sur une embarcation surchargée, Abou Sangaré accoste en Italie. Puis rejoint la France.
« À partir du moment où j’ai choisi d’aller en Europe, je me suis dit que je ne pourrais être bien qu’en France parce que, dans mon pays, on apprend le français à l’école », nous avait-il expliqué en octobre, au moment de la sortie de « l’Histoire de Souleymane » en salles. Sangaré (comme tout le monde l’appelle) n’a pourtant jamais été scolarisé. Enfant, il travaillait dans la petite ferme familiale, puis dans la mécanique… Quand il débarque à Paris, « une grande ville » où il ne connaît personne, il préfère prendre le train pour Amiens. Là, il entame une autre odyssée. Administrative, cette fois-ci.

Abou Sangaré passe un CAP peinture, puis un bac pro de mécanicien poids lourds. Il effectue des stages et commence un contrat d’apprentissage… Mais il ne parvient pas à avoir de papiers. Ses employeurs tentent de l’embaucher à plusieurs reprises, mais les titres de séjour d’Abou Sangaré sont refusés. L’administration objecte qu’il n’a pas de visa étudiant, qu’il est entré en France de façon irrégulière et que sa famille d’attache est en Guinée… Même s’il assure ne presque plus avoir de contact avec son pays d’origine.
Il convainc le cinéaste Boris Lojkine lors d’une séance d’improvisation
Au printemps 2023, l’association d’aide aux migrants dans laquelle Abou Sangaré est bénévole lui dit qu’une équipe de cinéma recherche un Guinéen. Il se présente, voyant là une autre opportunité de travailler. C’est lors d’une séance d’improvisation qu’il convainc le cinéaste Boris Lojkine (réalisateur de « Hope » et de « Camille »). Pour « l’Histoire de Souleymane », Sangaré a fait deux mois de répétitions, deux semaines de stage avec un livreur à vélo et deux mois de tournage.
Source : Le Parisien– (Le 28 février 2025)
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