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Agence de Presse Africaine – Malgré l’implantation sur son territoire de trois barrages hydroélectriques majeurs de l’Organisation pour la Mise en Valeur du fleuve Sénégal (OMVS), le Mali souffre de pénuries d’électricité chroniques. Entre problèmes de gouvernance, défis techniques et dépendance aux hydrocarbures importés, le pays peine à exploiter pleinement son potentiel énergétique.
Le Mali, pays enclavé d’Afrique de l’Ouest et membre fondateur de l’Organisation pour la Mise en Valeur du fleuve Sénégal (OMVS), traverse une crise énergétique profonde. Une situation d’autant plus paradoxale que plusieurs infrastructures hydroélectriques stratégiques de l’OMVS, notamment les barrages de Manantali, Gouina et Félou, sont situés sur son territoire. Pendant que le Sénégal, la Mauritanie et, plus récemment, la Guinée, bénéficient d’une relative stabilité énergétique, le Mali fait face à des coupures récurrentes, une production insuffisante et un approvisionnement énergétique déficient. Cette crise, qui dure depuis plusieurs années, résulte d’un enchevêtrement de problèmes structurels, de choix politiques et de défis financiers.
Le barrage de Manantali, mis en service en 2001, devait initialement produire 540 GWh par an, avant que sa capacité installée de 200 MW ne lui permette d’atteindre jusqu’à 740 GWh. En 2006, plus de 90 % de l’électricité consommée au Mali provenait de cette infrastructure. Pourtant, aujourd’hui, sa production est fortement limitée. En cause, des problèmes d’entretien, une gestion financière chaotique, et des arriérés de paiement accumulés auprès de l’exploitant sud-africain Eskom, responsable de Manantali.
Les barrages de Gouina (140 MW) et Félou (60 MW) devaient compléter cette production. Gouina, en particulier, a été présenté comme une alternative majeure pour stabiliser le réseau énergétique malien. Cependant, dès octobre 2022, un incident technique à la centrale de Gouina a entraîné une interruption massive de l’approvisionnement électrique au Mali, en Mauritanie et au Sénégal. Depuis, la production de ces infrastructures reste intermittente, et leur contribution à l’approvisionnement malien demeure insignifiante.
La situation énergétique du Mali repose sur plusieurs facteurs interdépendants. Tout d’abord, le pays dépend fortement des hydrocarbures importés pour compléter son mix énergétique. En raison de l’absence de production locale de pétrole ou de gaz, le Mali importe l’intégralité de ses besoins en hydrocarbures, une dépendance qui le rend vulnérable aux fluctuations des prix mondiaux et aux taxes de transit imposées par les pays voisins.
Entre 2015 et 2021, la société Énergie du Mali (EDM-SA) a acheté près de 855 millions de litres de combustibles pour faire fonctionner ses centrales thermiques, une charge financière énorme pour l’État malien, qui subventionne encore massivement l’électricité. Or, ces investissements massifs dans l’énergie thermique n’ont pas permis d’assurer un approvisionnement stable, exacerbant encore la crise.
Par ailleurs, la gestion des infrastructures hydroélectriques est fortement critiquée. Eskom, qui exploite Manantali, fait face à des retards de paiement cumulés, ce qui entraîne une réduction drastique de ses opérations de maintenance. Plusieurs sources évoquent des tensions croissantes entre Eskom et la Société de gestion de Manantali (SOGEM), l’organe sous-régional chargé de superviser ces infrastructures. Ce manque de financement compromet la pérennité technique des barrages et leur capacité à produire une électricité fiable.
Le manque d’entretien chronique des équipements aggrave aussi la situation. Les turbines des centrales hydroélectriques, faute d’investissements pour leur réhabilitation, tournent à capacité réduite. À cela s’ajoute un problème de gouvernance et de transparence dans le secteur de l’énergie, avec des accusations de mauvaise gestion financière et d’opacité des marchés publics attribués dans ce domaine stratégique.
Les coupures d’électricité au Mali ne sont pas qu’un désagrément pour les ménages : elles ont un impact direct sur l’économie nationale, notamment dans les secteurs de l’industrie, du commerce et des services. Les entreprises sont obligées de recourir à des solutions de secours onéreuses, telles que des générateurs fonctionnant au diesel, ce qui réduit leur rentabilité et freine leur développement.
Les industries manufacturières, qui nécessitent un approvisionnement constant en électricité, fonctionnent au ralenti, affectant la production locale et aggravant la dépendance du Mali aux importations. Dans le secteur agricole, les difficultés d’approvisionnement en électricité perturbent l’irrigation, essentielle pour la culture dans certaines zones du pays.
Les infrastructures publiques sont également en difficulté. Dans les hôpitaux, les coupures d’électricité prolongées mettent en péril le fonctionnement des équipements médicaux et augmentent les risques pour les patients. De nombreux établissements scolaires se retrouvent privés d’électricité, entravant les conditions d’apprentissage.
Source : Agence de Presse Africaine (APA)
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