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Le Devoir – Sorti à la fin de janvier, le septième album solo du guitariste et chanteur Samba Touré se veut un cri de ralliement pour ceux grâce à qui tourne le monde, ces citoyens qui triment dur dans de petits boulots difficiles. Sa tournée canadienne doit culminer le 28 février à Montréal, clôturant la programmation des Productions Nuits d’Afrique du Mois de l’histoire des Noirs. Le Devoir l’a rencontré.
À l’écran, on voit Samba Touré, la guitare en travers du corps, un large sourire lui barrant le visage. L’image d’un messager qui transmet sans relâche les sons et la culture de son Sahel natal. Et qui est heureux de le faire. « Le succès, c’est Dieu qui le donne », dit l’artiste originaire de Diré, près de Tombouctou, mais basé à Bamako, la capitale du Mali. « Dans la vie, on récolte les bénéfices de notre travail, ajoute-t-il. Et il faut travailler fort pour sortir des albums. Chaque album demande beaucoup de boulot. Mes disques reçoivent de bonnes critiques, alors je suis très fier. Ça me donne le courage pour continuer à faire de la musique. »
Des encouragements
Ce courage, il a voulu le transmettre avec Baarakelaw. Sur ces neuf pièces hypnotiques, le chanteur s’adresse aux blanchisseuses, aux vendeurs de rue, aux cireurs de chaussures, aux femmes de ménage de son pays. Cette foule de personnes qui « chaque jour, gagnent de quoi manger pour le soir et le lendemain », dit-il. « Chez nous, en Afrique, par exemple, dans les bouchons de circulation, tu croises des enfants qui vendent des biscuits, des bonbons, des bananes, dehors, à la chaleur. Je suis fier de ces gens qui utilisent leur force de travail de façon honnête. Je voulais montrer ce qu’ils font, tous les jours, ils recommencent. Ils le méritent. »
L’artiste nous parle depuis les Pays-Bas, au terme d’une tournée européenne de plus de 15 concerts. Finlande, Norvège, Belgique, Danemark, puis le Canada… Les réalités du travail y sont bien différentes que dans son cher Mali. « C’est un message que je tenais à livrer à ceux qui viennent écouter la musique, dit Samba Touré. Je chante dans ma langue, le songhaï, et en bambara, la langue officielle du Mali, en peul. Je sais bien que le public ne comprend pas ce que je dis, mais je tiens tout de même à leur parler de ces personnes qui font les petits métiers, à les honorer. »
Question de genre
Baarakelaw, produit par l’étiquette allemande Glitterbeat Records, est fait de ballades puissantes et enivrantes, teintées d’espoir et de tristesse, d’émotions pures et vibrantes. La guitare y est bien présente et toujours aussi hypnotisante que sur les précédents disques de ce protégé du grand maître Ali Farka Touré, décédé en 2006. Mais elle partage cette fois-ci l’avant-scène avec d’autres sonorités, laissant place à un emballage plus hybride et diversifié. Une façon de réactualiser cette tradition musicale que l’Ouest appelle « blues du désert ».
« Farka était mon maître. Grâce à lui, j’ai une carrière. Il a produit mon premier album et m’a encouragé à me lancer dans ce type de musique. J’ai beaucoup voyagé avec lui, dit Samba Touré. C’est lui qui a fait connaître au public du monde entier cette musique de chez nous, cette culture du nord du Mali. Les Occidentaux appellent ça du blues, mais c’est très ancien, très traditionnel. Farka a commencé à la jouer avec la guitare et c’est devenu très populaire, mais c’est une musique très ancienne. »
Difficile tout de même d’ignorer les nombreuses similitudes entre le « blues du Delta » et de l’héritage de Farka. « Quand quelqu’un a une trop grande douleur dans son cœur, une douleur qu’il ne peut pas exprimer avec ses mots, il doit la chanter. Et les gens écoutent son chant et enfin comprennent sa souffrance. Chez nous, c’est comme ça qu’on fait la musique. »
Sophie Chartier
Source : Le Devoir – (Québec)
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