En Côte d’Ivoire, le nationalisme identitaire refait surface au détriment de Tidjane Thiam

Le chef du principal parti d’opposition, candidat à la présidentielle d’octobre, est la cible d’attaques virulentes en raison de sa double nationalité franco-ivoirienne et des origines sénégalaises de son père.

Le Monde – Les Ivoiriens espéraient en avoir fini avec « l’ivoirité », un concept raciste inventé dans les années 1990 qui a été le terreau des crises politico-militaires de 2002 et de 2010-2011. Mais l’approche de l’élection présidentielle, prévue pour le mois d’octobre, a fait ressurgir les attaques aux relents identitaires sur la filiation d’un des principaux prétendants à la magistrature suprême. Leur cible ? Tidjane Thiam, qui a pris en 2023 la tête du principal parti d’opposition, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), visant tantôt sa double nationalité franco-ivoirienne, tantôt les origines sénégalaises de son père.

La controverse a éclaté le 2 février sur le plateau de la Nouvelle chaîne ivoirienne (NCI), lorsque l’analyste politique Arthur Banga, proche du pouvoir, a affirmé que Tidjane Thiam « ne [pouvait] pas être candidat à l’élection présidentielle, car il n’a pas renoncé à sa nationalité française ». La Constitution ivoirienne impose en effet aux candidats d’être « exclusivement de nationalité ivoirienne ».

Face à la polémique naissante, l’intéressé, qui a officiellement déposé une demande de perte volontaire de la nationalité française à l’ambassade de France à Abidjan le 6 février, affirme ne pas avoir agi sous la pression et avoir entamé la procédure l’année dernière.

« Je suis né à Abidjan et suis Ivoirien, a réagi Tidjane Thiam auprès du Monde. Toute mon expérience m’a montré que la grande majorité des Ivoiriens n’est pas xénophobe, mais au contraire ouverte et accueillante. Ce qui compte pour les Ivoiriens, c’est ce qu’ils pensent que je peux faire pour eux. Que je m’appelle Thiam leur est profondément indifférent. »

Français par son père

Le père de Tidjane Thiam, Amadou Thiam, né au Sénégal en 1923, jouissait de la nationalité française, en vertu des lois coloniales, avant de s’installer en Côte d’Ivoire. Naturalisé Ivoirien après l’indépendance du pays, il a épousé une nièce du président Félix Houphouët-Boigny avec qui il a eu cinq enfants, dont Tidjane Thiam. Né Ivoirien, celui-ci a pu hériter à 19 ans, au moment de ses études en France, de la nationalité française de son père, et devenir de fait binational.

Une origine qui lui est ouvertement reprochée aujourd’hui par Célestin Doh Sereh, ministre délégué auprès du ministre des Transports et membre du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP, au pouvoir). « Quelqu’un dont la maman est sénégalaise, dont le papa est sénégalais, parce qu’il a grandi chez Houphouët, on dit, “c’est notre frère”, a lancé M. Serey. Or Alassane [Ouattara], même qui a sa maman qui est d’Odienné, on dit il n’est pas ivoirien. Donnez-moi de quelle région appartient le nom Thiam. »

Dérapage ou offensive calculée ? Le RHDP n’a pas condamné les propos de Célestin Doh Serey, et le ministre a été reçu le 17 février par Gilbert Kafana Koné, président du directoire du RHDP et haut représentant du président de la République. En revanche, ses propos ont immédiatement provoqué un tollé dans l’opposition. D’abord au PDCI, qui a jugé ces déclarations « xénophobes, tribalistes et mensongères » et a demandé la démission du ministre. Mais aussi au sein des formations rivales.

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  (Abidjan, correspondance)

Source : Le Monde

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