
Saharamedias – « J’étais seule dans la maison de mes parents quand Ali, le fils du voisin, a fait irruption dans la maison et m’a agressée.
Je n’ai pas pu me défendre car l’agresseur, qui était armé, a pointé un couteau sur mon cou, j’ai donc eu peur qu’il me tue. Je n’ai pas pu résister et j’ai préféré rester en vie.
Si j’avais pu résister, je n’aurais pas été agressée, mais il m’a menacée de me tuer si je faisais le moindre bruit, et étant seule dans la maison, mes parents étaient partis au mariage d’un proche lorsque j’ai subi cet acte honteux ».
« Fatima » raconte à Sahara Media comment elle a été agressée par son voisin, ce qui l’a conduite par la suite à une expérience psychologique difficile, l’obligeant à se faire suivre par un psychiatre et à tenir plusieurs réunions avec des assistantes sociales afin de surmonter cette étape.
« Après avoir été agressée, je suis devenue un cas particulier et j’ai été affectée psychologiquement, mais je n’ai pas cédé à cet état, et chaque fois que j’ai rencontré des personnes dans le centre de traitement et que j’ai parlé avec elles, je me suis améliorée », dit-elle, ajoutant dans un soupir : “J’aurais obtenu mon droit si mes parents n’avaient pas accepté la réconciliation”.
Les statistiques des organisations travaillant dans le domaine de la défense des femmes indiquent que dans la plupart des cas de violence sexuelle contre les femmes et les filles enregistrés en Mauritanie, l’ont été souvent par un voisin de la victime, mais aussi par d’autres n’ayant aucun lien familial avec la victime, ou par un parent ou un ami de la famille.
Zeinebou Taleb Moussa, présidente de l’Association mauritanienne pour la santé maternelle et infantile, l’une des organisations de défense des droits des femmes, des filles et des enfants en Mauritanie, affirme qu’il n’existe pas de statistiques officielles permettant de suivre tous les types de violence à l’égard des femmes, mais que les données disponibles sont très inquiétantes, bien que le ministère de l’action sociale ait récemment annoncé certaines statistiques limitées aux seuls couples mariés.
Dans une interview accordée à Sahara Media, elle a ajouté que les statistiques dont dispose son association indiquent qu’entre 300 et 500 cas de violences sexuelles contre les femmes et les filles sont enregistrés au cours de l’année, et si l’on y ajoute d’autres cas de violences autres que sexuelles, les cas atteindront près d’un millier de cas.
« Si nous regardons les points où les victimes de la violence ont recours aux hôpitaux, les statistiques seront effrayantes, car les cas atteignent plus de 3000 cas et parfois 4000 cas, ce qui est un nombre record », a-t-elle déclaré.
La présidente de l’Association mauritanienne pour la santé maternelle et infantile impute l’augmentation des cas de violence à l’égard des femmes à l’absence de lois dissuasives pour les auteurs de ces crimes, et à l’application complète des textes s’y afférent, et si cela n’est pas fait, ce type de crime continuera à augmenter », a-t-elle déclaré.
Agression et tentatives de réconciliation
Fatima raconte son histoire à elle relative à son agression : « lorsque j’en ai informé à mes parents, nous sommes allés au poste de police, où j’ai déposé ma plainte, et la police a réussi à identifier l’agresseur et l’a arrêté.
Ayant reconnu les faits lors de son interrogatoire, nous avons été déférés à la justice » et la famille de l’agresseur est venue solliciter une réconciliation, acceptée ensuite par mes parents désireux d’éviter les problèmes.
Autour de moi j’entends commentaires, observations et regards déplacés ce qui me fait souffrir et m’agace, mais je passe outre, car je ne suis pas la première à être violée et je ne serai pas la dernière ».
Fatima raconte : « J’ai reçu le soutien de mon père et de mes frères, qui m’ont pleinement soutenue et m’ont bien épaulée, mais ils ont finalement accepté la réconciliation et ont mis fin à l’affaire.
La mère de l’agresseur a proposé de me marier avec lui, une proposition que j’ai balayé d’une main, et ses parents ont également proposé de nous verser le prix du sang, et la même proposition a été rejetée par mes parents, qui lui ont demandé de rester loin de moi en permanence, soulignant que l’honneur de leur fille était irremplaçable. »
Sur l’impact psychologique de l’agression, « Fatima » poursuit son entretien avec « Sahara Media », « J’ai été suivie par un psychiatre, et passé un certain temps dans une mauvaise situation, développant même un complexe psychologique.
Quant le médecin m’a conseillé de ne pas rester seule, j’ai commencé à rencontrer mes amis, et le “Centre Al-Wafa”, qui a suivi mon cas, m’a fourni un soutien et le personnel m’a beaucoup encouragé et remonté mon moral, et les dirigeants du centre m’ont toujours conseillé de compter sur moi-même ».
Le soutien…
Dans un quartier populaire de la Mina, à Nouakchott, la capitale, l’Association mauritanienne pour la santé de la mère et de l’enfant a créé, il y a plus de dix ans, le Centre Wafa qui offre différentes formes de prise en charge et de soutien aux femmes et filles victimes d’abus, en assurant le suivi de chaque cas dès son arrivée au commissariat de police, et en mettant à disposition des conseillers dans les commissariats pour mineurs afin d’accueillir les victimes et les soutenir dans chaque cas.
Aicha M’Barek, directrice du centre Wafa, explique que les victimes arrivent dans les commissariats de police dans un état déplorable et de peur, mais les conseillères leur apportent un soutien afin qu’elles puissent recouvrer leurs droits, qu’elles n’obtiendront jamais, ne serait-ce qu’une infime partie d’entre elles.
Dans un entretien avec Sahara Media, Aicha a ajouté que les assistants sociaux, en plus d’un conseiller juridique et d’un avocat, tous affiliés à l’association, assistent à l’interrogatoire de la victime au poste de police.
Après l’obtention de l’autorisation médicale délivrée par la police, les assistants l’emmènent à l’hôpital pour effectuer les examens nécessaires de la victime, par un gynécologue, et enregistrer toutes les données relatives à la victime, les résultats des tests qui prouvent qu’elle a été violée ou non, et les tests liés aux différentes maladies sexuellement transmissibles.
Elle revient ensuite au poste pour un nouvel interrogatoire de la police pour les deux parties (victime et agresseur) et celle-ci transmet le dossier au procureur général (ministère public), qui suit le dossier jusqu’à ce qu’il soit transmis au tribunal et que le jugement final soit rendu.
Afin de protéger le droit de l’enfant au cas où il y a grossesse, Aicha confirme que le centre met à disposition une sage-femme pour les examens périodiques, et demande une révision des tests inclus dans l’autorisation médicale, au cas où celle-ci inclurait le contraire, afin qu’elle puisse être examinée par deux médecins différents.
La directrice du centre Al-Wafa confirme que le centre enregistre tous les cas de violence à l’égard des femmes, qu’il s’agisse de violence sexuelle, verbale ou psychologique, voire de harcèlement, ainsi que les cas de privation des papiers d’identité par les parents.
Aicha souligne que toutes les informations relatives aux victimes sont gardées confidentielles et que divers services sont fournis avec le consentement de la victime.
Les informations sont enregistrées sous un code secret spécial pour chaque cas, car certaines d’entre elles n’aiment pas mentionner leur nom ou révéler leur identité devant les gens, et même si nous voulons transférer l’une d’entre elles de son domicile au centre, nous n’entrons pas dans la voiture du centre pour nous rendre dans le quartier où elle vit.
Le centre Al-Wafa prend en charge des dizaines de jeunes filles qui ont été victimes de différents types d’abus ou de violences. Pour ce faire, il met à disposition une équipe qui assure des soins comprenant des séances médicales et éducatives pour les victimes, des cours pour renforcer leur niveau d’éducation, en plus de la fourniture de soins de santé et nutritionnels aux enfants nés des suites de l’agression sexuelle.
Source : Saharamedias (Mauritanie)
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