Mehdi Benchoufi, le médecin qui veut éclipser Laennec et son stéthoscope

Egalement mathématicien, il a développé une sonde ultraportable d’imagerie médicale par ultrasons. Une idée qui lui trottait dans la tête depuis ses années d’interne

Le Monde  – La situation pourrait paraître surprenante, si elle n’était on ne peut plus sérieuse. Soudain, notre interlocuteur se lève, remonte son tee-shirt, saisit son smartphone dans une main, un échographe dans l’autre, préalablement enduit de gel, qu’il colle à son ventre. Il n’y a plus qu’à régler, sur l’écran du téléphone, la zone anatomique à observer : abdomen, poumon, cœur… Et c’est parti pour une démonstration en direct.

Les deux machines sont connectées, les images s’affichent sur l’écran. « Vous voyez, là, c’est mon foie. Là, c’est ce que l’on appelle la “bifurcation du tronc porte”, en arrière la veine cave. Et, si je me mets comme ça, on voit mon cœur, la veine cave et l’aorte », égrène Mehdi Benchoufi, cofondateur et président d’echOpen Factory.

Ce médecin de santé publique et mathématicien l’affirme sans détour, cette sonde ultraportable d’imagerie médicale par ultrasons remplacera à terme le bon vieux stéthoscope de Laennec que tout étudiant de deuxième année de médecine achète, garde toute sa vie et transmet comme un talisman à sa progéniture si elle suit ses traces. Avec sa taille de 16 centimètres, son poids mini de 400 grammes et son prix modéré par rapport aux autres sondes portables sur le marché – moins de 1 000 euros –, la sonde echOpen se glisse facilement dans la poche d’une blouse.

Depuis des siècles, l’examen physique comporte quatre moyens d’observation : inspection, palpation, percussion et auscultation. Mehdi Benchoufi veut en ajouter un cinquième : ce qu’il appelle « l’échospection ». D’autres médecins parlent d’échographie clinique permettant une orientation diagnostique. En clair, « grave, pas grave, quels sont les organes touchés », explique-t-il entre deux gorgées de Coca-Cola de bon matin. En janvier 2024, echOpen a obtenu le marquage CE, un sésame incontournable pour pouvoir être commercialisé. Trois mois plus tard, il était sur le marché. Déjà 500 sondes ont été vendues.

« Hors norme »

 

Officiellement, l’aventure a commencé il y a dix ans. En réalité, l’idée lui trottait déjà dans la tête lorsqu’il était jeune interne à Paris à la fin des années 2000. « Malgré le choix d’une spécialité non clinique, je prenais des gardes aux urgences à l’hôpital Saint-Antoine. Et, d’une garde à l’autre, nous avons perdu deux patients de rupture d’anévrisme abdominal. Je me suis dit que, si le médecin du SAMU avait eu un dispositif d’échographie dans le camion, ils auraient sans doute pu être sauvés. » Mais echOpen n’aurait peut-être pas vu le jour sans sa passion pour les mathématiques. C’est cette voie qu’il choisira après son bac.

Mehdi Benchoufi a grandi en Algérie dans un milieu favorisé. En 1988, la famille décide de partir. Direction Paris et ses beaux quartiers. Le jeune garçon n’est pas du tout scolaire, ses résultats s’en ressentent. La rencontre avec une professeure de mathématiques en 4e va changer le cours de sa vie. Celui qui avait dévoré les romans de Victor Hugo et entamé La Comédie humaine d’Honoré de Balzac découvre l’algèbre. « Je trouvais ça à la fois puissant et amusant.

Son parcours est tout tracé. Il intègre une classe préparatoire mathématiques au lycée d’élite Louis-le-Grand. « A l’époque, j’étais un peu perché dans mes équations », ironise-t-il. La deuxième année de classe préparatoire sera une tout autre affaire. Il fait la connaissance d’étudiants de classe préparatoire lettres, très éloignés de son univers, très politisés, à droite comme à gauche. « Ils évoluaient dans des sphères néosituationnistes. C’était passionnant ! » Il sèche les cours et finit par claquer la porte. S’ensuivent quasiment deux années où il ne fait pas grand-chose, on n’en saura pas plus.

A 21 ans, et parce qu’il faut bien faire quelque chose, le jeune homme s’inscrit en médecine « par facilité », son père est médecin, « par curiosité » aussi. En troisième année, retour aux mathématiques en parallèle des études médicales, il passe l’agrégation, mais remet le doctorat à plus tard. « C’est un personnage étonnant, il est plus mathématicien que médecin », résume Eric Vibert, chirurgien spécialiste de la transplantation hépatique à l’hôpital Paul-Brousse, à Villejuif (Val-de-Marne).

 

Mehdi Benchoufi ausculte un patient en novembre 2022, à Paris.

 

« A l’heure de choisir ma spécialité, je me suis tourné vers la santé publique pour mettre à profit ce que je savais faire en maths. » Mehdi Benchoufi obtient un poste de chef de clinique dans le service de Philippe Ravaud, éminent épidémiologiste, à l’Hôtel-Dieu (Assistance publique-Hôpitaux de Paris, AP-HP). Une chance. « Il m’a permis d’exercer dans son service dans les conditions de liberté dont j’avais besoin. » « Mehdi est quelqu’un qui a eu un parcours très spécial parce qu’il était différent et hors norme. Il est brillant, sociable, agréable… », observe Philippe Ravaud.

 

 

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Source : Le Monde 

 

 

 

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