L’emploi de l’intelligence artificielle à des fins militaires connaît une accélération sans précédent

Les opérations militaires passent de plus en plus par l’agrégation de données civiles ou des services de stockage de grands acteurs de la tech. Une dualité qui bouscule les géants traditionnels du secteur de la défense.

Le Monde  – Après des années de progression discrète, l’emploi de l’intelligence artificielle (IA) à des fins militaires connaît une accélération inédite. Alors que se tient à Paris, lundi 10 et mardi 11 février, le Sommet pour l’action sur l’IA, plusieurs rapprochements entre des acteurs majeurs de la tech et les sphères étatiques sur les enjeux de défense ont été dévoilés ces dernières semaines. Un phénomène qui s’inscrit dans le sillage de l’arrivée à la Maison Blanche de Donald Trump et des grandes manœuvres d’Elon Musk, à la tête de son département de l’efficacité gouvernementale.

Le dernier virage en date, et l’un des plus spectaculaires, revient à Google. Le 4 février, le géant du numérique a décidé d’infléchir ses principes en matière d’IA, en retirant explicitement de ses lignes rouges le développement des « armes ou autres technologies dont l’objectif principal (…) est de blesser des personnes ». Une formulation beaucoup plus évasive a été retenue avec pour seule contrainte désormais de s’aligner sur « les principes largement acceptés du droit international ».

Ce changement de pied de Google, déjà dans le viseur de plusieurs enquêtes antitrust lancées par l’administration démocrate, intervient alors que, le 21 janvier, au lendemain de l’investiture du nouveau président américain, le groupe a commencé à être mis en cause par des fuites de documents dévoilées par le Washington Post, suggérant que certains de ses outils d’IA avaient été utilisés par l’armée israélienne en 2024. Des révélations suivies, le 26 janvier, d’une nouvelle salve de documents, présentés par plusieurs médias internationaux, dont le Guardian, révélant, eux, une collaboration rapprochée entre Microsoft et le ministère de la défense israélien, dans le cadre des opérations menées dans la bande de Gaza depuis l’automne 2023.

Une dimension opérationnelle directe

 

Ces informations n’ont été ni démenties ni confirmées, mais ces rapprochements marquent la fin d’une ambiguïté et une nouvelle étape dans le réalignement qu’ont commencé à afficher la plupart des géants de la tech avec la Maison Blanche. Partout dans le monde, les opérations militaires passent de plus en plus par l’agrégation de données civiles disponibles en source ouverte ou conservées par des acteurs du secteur. Cette vaste « hybridation » avait surtout pour finalité, jusqu’à présent, le renseignement, mais elle prend une dimension opérationnelle directe, avec la multiplication des guerres, en Ukraine et au Proche-Orient.

« On se dirige vers une attitude décomplexée vis-à-vis des usages de l’IA dans le champ militaire. Avant, il y avait une série de garde-fous politiques et bureaucratiques qui faisaient en sorte qu’il y ait, en pratique, des digues sur les usages, mais cela est en train de voler en éclats », résume Julien Nocetti, chercheur associé à l’Institut français des relations internationales (IFRI) et enseignant à Sciences Po.

Aux Etats-Unis, la pointe avancée de cette fusion entre les deux mondes est incarnée par la licorne Anduril, une start-up de défense fondée en 2017, spécialisée, au départ, dans les drones. Mais elle n’a cessé de gagner du terrain dans des projets avec le Pentagone, jusqu’à être associée, depuis novembre 2024, au développement d’une des capacités-clés de la défense antimissile des Etats-Unis : les missiles SM-6, capables d’intercepter des vecteurs hypersoniques. « Maintenant, la technologie de défense, c’est cool », s’était félicité, il y a quelques mois, son fondateur, Palmer Luckey, libertarien assumé, proche des sphères conservatrices, à rebours des pudeurs des GAFAM.

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Source : Le Monde 

 

 

 

 

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