Route des Canaries : neuf corps retrouvés au large de la Mauritanie

Info Migrants  – Les autorités mauritaniennes ont indiqué mardi avoir retrouvé neuf corps sans vie au large de la ville de Nouadhibou, municipalité du nord du pays connue pour être un lieu de départ des embarcations de migrants en route vers les Canaries espagnoles. Les victimes pourraient être originaires du Sénégal et du Mali.

Neuf corps de migrants ont été retrouvés au large de Nouadhibou, en Mauritanie, a indiqué mardi 4 février la mairie de cette ville située à près de 500 km de la capitale Nouakchott.

« Les services municipaux compétents ont procédé à l’enterrement de ces corps après qu’ils ont été [récupérés] en mer », peut-on lire dans le communiqué de la municipalité publié sur Facebook.

La nationalité des victimes n’a pas été précisée mais la mairie a expliqué que l’enterrement s’est déroulé en présence de représentants des communautés sénégalaises et maliennes vivant à Nouadhibou, laissant penser que les défunts provenaient de ces deux pays.

Les autorités ne donnent cependant pas plus d’informations sur la date du naufrage, le nombre de passagers à bord de l’embarcation, les potentiels survivants ou le pays de départ du canot.

Réactivation de la route mauritanienne

 

La ville de Nouadhibou est connue pour être un lieu de départ des embarcations de migrants en route vers les Canaries. Ces dernières années, la Mauritanie avait été délaissée par les exilés qui espéraient atteindre l’archipel espagnol, privilégiant des départs depuis le Sénégal, la Gambie ou le Maroc.

 

Mais l’an dernier, la Mauritanie est redevenue un pays de transit dans l’attente d’un passage vers les Canaries, la côte atlantique étant davantage contrôlée par les forces marocaines et sénégalaises. Le pays est même devenu le principal lieu de départs des canots arrivés dans l’archipel espagnol en 2024, selon Helena Maleno de l’ONG Caminando Fronteras, contactée par InfoMigrants.

La dégradation de la situation sécuritaire au Sahel a également joué un rôle dans l’augmentation du nombre des migrants en Mauritanie, et donc du flux vers l’Espagne.

Face aux exactions de l’armée et à la menace terroriste, des dizaines de milliers de Maliens – mais aussi Nigériens et Burkinabés – ont trouvé refuge en Mauritanie ces derniers mois. Entre janvier 2023 et avril 2024, plus de 95 000 nouveaux réfugiés maliens sont arrivés dans le pays, en plus des 105 000 réfugiés précédemment enregistrés, selon le Haut-commissariat des nations unies pour les réfugiés (HCR). Au total, 275 000 réfugiés et demandeurs d’asile se trouvent actuellement en Mauritanie, d’après les chiffres de l’agence onusienne.

Fin octobre, le ministre mauritanien de la Défense, Hanena Ould Sidi, avait estimé que « le flux de réfugiés sur le territoire mauritanien a atteint un seuil critique ».

Le Mali, première nationalité des migrants arrivant aux Canaries

 

Beaucoup d’entre eux tentent ensuite leur chance vers les Canaries. Ainsi, sur les plus de 22 000 personnes arrivées dans l’archipel espagnol au cours du premier semestre 2024, 13 000 sont parties des côtes mauritaniennes, contre environ 200 personnes l’année précédente. Soit une augmentation de 6 000 %.

En 2024, les Maliens ont constitué la nationalité la plus nombreuse parmi les immigrés arrivés de manière irrégulière en Espagne. Mais ils ne sont pas les seuls. Les Sénégalais, qui fuient une crise économique et un taux de chômage très élevé dans leur pays, tentent aussi de traverser l’Atlantique depuis les côtes mauritaniennes.

Les secours espagnols accompagnent une pirogue de migrants en fibre de verre vers le port d'Arguineguin, sur l'île de Grande Canarie, le 25 décembre 2024. Crédit : Reuters
Les secours espagnols accompagnent une pirogue de migrants en fibre de verre vers le port d’Arguineguin, sur l’île de Grande Canarie, le 25 décembre 2024. Crédit : Reuters

 

En outre, le renforcement des contrôles en Libye ont aussi fait émerger une nouvelle route migratoire. Des responsables espagnols se sont dit « préoccupés » par les arrivées aux Canaries de ressortissants du Pakistan, mais aussi de l’Afghanistan et du Yémen. Lors d’un naufrage mi-janvier au large de la Mauritanie où près de 50 personnes ont perdu la vie, de nombreuses victimes étaient originaires du Pakistan.

Afin d’assurer un meilleur contrôle de ses frontières, la Mauritanie touche chaque année 10 millions d’euros de l’Espagne pour la formation et l’équipement de ses gardes-côtes. En échange, Nouakchott s’engage à accueillir sur le sol mauritanien les exilés entrés de manière irrégulière aux Canaries après avoir quitté le pays, et à bloquer les départs des canots. Face à l’afflux de migrants de ces dernières années, l’Union européenne a signé en mars 2024 un accord avec Nouakchott à hauteur de 210 millions d’euros pour renforcer le contrôle des frontières de la Mauritanie.

Fin août, Pedro Sanchez est retourné à Nouakchott pour signer des « mémorandums d’entente » bilatéraux de « migration circulaire », selon un communiqué de la présidence espagnole. Il s’agit de mettre en place un cadre pour permettre des entrées régulières sur le sol espagnol en fonction des besoins de main-d’œuvre. Cette migration contrôlée est censée faire une place particulière aux jeunes et aux femmes. En retour, la présidence mauritanienne s’était engagée à durcir sa législation contre l’immigration irrégulière.

Des accords qui ont eu très peu de conséquences sur le flux de migrants aux Canaries. L’an dernier, près de 47 000 personnes ont débarqué dans l’archipel espagnol, un record. Et le nombre de morts n’a jamais été aussi nombreux sur cette route migratoire. Près de 10 000 exilés ont péri dans l’Atlantique en 2024, d’après le dernier rapport de Caminando Fronteras. Et « la majorité des victimes avaient pris la mer depuis la Mauritanie », signale Helena Maleno à InfoMigrants.

Leslie Carretero

Source : Info Migrants  (France)

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