Après le retrait des Etats-Unis de l’OMS, le secteur de la santé mondiale anticipe les dégâts humains et financiers

A Genève, l’Organisation mondiale de la santé commence déjà à réduire ses dépenses après l’annonce du départ de son principal bailleur de fonds.

Le Monde – L’onde de choc des premières mesures de l’administration Trump ébranle durement l’univers de la santé mondiale, en particulier à Genève (Suisse), autour du siège de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Les annonces faites par le président américain, Donald Trump, de sa volonté de retirer les Etats-Unis de l’organisation onusienne et de geler l’aide internationale américaine pendant quatre-vingt-dix jours pour examiner les différents postes de dépenses ont jeté de nombreux organismes de santé dans l’incertitude.

« Personne n’est très surpris, on s’attendait à une attaque de l’administration Trump contre l’OMS, mais la rapidité et la brutalité avec lesquelles ils l’ont mise en œuvre sont très choquantes », souligne Suerie Moon, codirectrice du Centre de santé globale de l’Institut des hautes études internationales et du développement, à Genève. A la suite d’une première tentative infructueuse de quitter l’OMS en juillet 2020, lors de son premier mandat, il n’a fallu que quelques heures à Donald Trump après son investiture pour signer un nouveau décret.

Le retrait américain de l’OMS ne sera effectif que d’ici un an, peut-être six mois selon les interprétations juridiques, mais la manne financière dispensée par les Etats-Unis commence déjà à refluer. Le pays finance l’OMS à hauteur de 20 % de son budget chaque année, ce qui en fait son principal bailleur. Mais plus globalement, Washington finance à lui seul 26 % des organisations internationales basées à Genève, dont l’Alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination (GAVI) et le Fonds mondial – principal bailleur de fonds dans la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.

Volte-face de l’administration Trump

Symbole de la confusion qui règne actuellement, la volte-face de l’administration Trump sur le programme Pepfar, qui fournit la plupart des traitements contre le VIH en Afrique et dans les pays en développement du monde entier depuis plus de vingt ans. En l’espace de quelques jours, la nouvelle administration américaine a stoppé la distribution des précieux antirétroviraux, même dans les cliniques qui les avaient déjà reçus, avant de la réautoriser.

Ces ordres et contre-ordres sèment la confusion sur le terrain, où beaucoup ne savent toujours pas ce qu’il est permis ou non de faire avec les programmes financés par les Etats-Unis. « Nous assistons à la plus grande crise du multilatéralisme depuis 1945, alerte Luis Pizarro, directeur exécutif de la fondation Drugs for Neglected Diseases Initiative (pour « initiative médicaments pour les maladies négligées »). Ce sont les citoyens et les populations négligées qui seront les premières victimes de ce désengagement. »

De son côté, l’OMS commence à prendre les devants. Dans un e-mail interne envoyé le 23 janvier aux salariés de l’organisation et que Le Monde a pu consulter, le directeur général de l’organisation, Tedros Adhanom Ghebreyesus, exprime ses « inquiétudes » à la suite de l’annonce de Donald Trump qui « a aggravé [la] situation financière » de l’OMS. Il annonce ainsi des mesures destinées à « réduire les coûts et réaliser des gains d’efficacité », comme le gel des recrutements, la réduction des dépenses de voyage – toutes les réunions devant être entièrement en visioconférence par défaut – et la suspension de la rénovation et de l’agrandissement des bureaux.

Grandes réformes nécessaires

Certains observateurs estiment que ce contexte très sombre pour les finances de l’OMS doit pousser l’organisation à s’attaquer aux grandes réformes jugées nécessaires depuis de nombreuses années, et revoir ses missions prioritaires. La grande place prise aujourd’hui par le programme d’urgence de l’OMS (107 millions de dollars, soit 103 millions d’euros) est notamment au cœur des débats.

Mais la question essentielle est désormais de savoir si les autres Etats membres de l’OMS vont venir à son secours. Aucun pays n’est en mesure de compenser entièrement les pertes américaines, qui s’élèvent à plus de 110 millions de dollars de contribution obligatoire annuelle et 1,066 milliard de dollars de contributions volontaires pour l’exercice budgétaire 2022-2023. Le conseil exécutif de l’OMS, lors duquel 34 Etats membres se réunissent pour mettre en œuvre les décisions prises au cours de l’assemblée annuelle et qui doit se réunir du 3 au 11 février, sera observé de près. « Je pense que nous entendrons probablement des déclarations de soutien et des annonces sur ce que les pays peuvent faire pour réagir, espère Suerie Moon. Il y a désormais un vide qui s’est créé en matière d’influence politique, et de nombreux pays vont essayer d’en profiter. »

Lire la suite

Source : Le Monde

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page