The Conversation – Le virus de la poliomyélite (ou « polio »), cette maladie infectieuse qui peut notamment donner des paralysies des membres inférieurs, continue de circuler, comme l’illustrent des alertes à Gaza, en 2024. La situation géopolitique mondiale freine son éradication, pourtant proche, et favorise la survenue d’épidémies liées à des virus dérivés des vaccins.
La poliomyélite, plus couramment appelée « polio », a marqué le XXe siècle comme l’une des maladies infectieuses les plus emblématiques. Elle a eu un impact considérable, notamment dans la première moitié du siècle, durant laquelle de nombreuses épidémies ont été à l’origine de paralysies ou de décès touchant principalement les enfants.
Des alertes de « polio » à Gaza en 2024
Alors que beaucoup la croyaient éradiquée, des alertes récentes, comme celle survenue dans la bande de Gaza en 2024, ont rappelé la persistance de cette menace, surtout dans des contextes sanitaires dégradés.
Ces situations favorisent les poussées épidémiques et montrent que la polio reste une maladie dont le risque ne peut être ignoré. Le virus continue à circuler également dans des pays a priori épargnés par ces problèmes. Ainsi, ces derniers mois, un poliovirus de type 2 dérivé d’une souche vaccinale (nous détaillerons ce point plus loin dans l’article) a été détecté dans des échantillons d’eaux usées en Espagne, en Pologne et en Allemagne.
Une présence attestée depuis l’Égypte antique
La polio est connue depuis l’antiquité. Sa présence est attestée dès l’Égypte ancienne, avec une représentation d’un homme qui en est atteint sur une stèle datant de 1400 avant notre ère.
Toutefois, ce n’est qu’à partir du XIXe siècle qu’elle commence à susciter un intérêt scientifique et médical. Sir Walter Scott a ainsi décrit dans ses écrits les symptômes de la maladie qui l’a touché enfant.
Des poliovirus transmis par voie oro-fécale
Les poliovirus, les virus responsables de la maladie, appartiennent au genre entérovirus et à la famille des Picornaviridae. Ces virus à ARN simple brin, non enveloppés, se transmettent principalement par voie oro-fécale (c’est-à-dire par la consommation d’aliments contaminés et d’eau souillée par des selles).
Ils se répliquent dans le tube digestif et ne trouvent des récepteurs que dans les cellules humaines, ce qui explique l’absence de réservoir animal. Ils se répliquent également dans le pharynx mais une transmission directement humaine par voie pharyngée reste l’objet de discussion.
La période d’incubation moyenne de la maladie est de 10 jours. Cependant, la majorité des infections (plus de 90 %) restent asymptomatiques. Dans ces cas, les individus infectés contribuent néanmoins à la propagation du virus par excrétion fécale.
Environ 5 % des personnes infectées présentent des symptômes légers associant fièvre, fatigue ou vomissements, tandis qu’un plus faible pourcentage voit le virus atteindre le système nerveux central, provoquant raideurs, douleurs musculaires et, dans 0,1 % des cas, des paralysies flasques aiguës. Ces paralysies, souvent permanentes, touchent les membres inférieurs et, parfois, les muscles respiratoires, mettant en danger la vie du patient.
Il existe trois sérotypes de poliovirus dont un seul persiste à l’heure actuelle à l’état sauvage :
- WPV1, le plus virulent, associé aux épidémies les plus graves ;
- WPV2, éradiqué en 1999, moins virulent ;
- WPV3, éradiqué en 2012, le moins agressif des trois.
Les conditions sanitaires jouent un rôle clé dans la transmission du virus : une hygiène insuffisante favorise sa propagation.
Réponses immunitaires et limites des deux vaccins
Deux types de vaccins ont été développés pour lutter contre la polio, ils contiennent tous les deux les trois différents virus de la polio :
- Le vaccin inactivé (VPI) : créé par Jonas Salk en 1954, il contient des virus inactivés et s’administre par injection. Il induit une réponse immunitaire systémique efficace mais pas de réponse au niveau de la muqueuse digestive ;
- Le vaccin oral atténué ou vaccin polio oral (VPO) : développé par Albert Sabin et introduit en 1961, ce vaccin utilise des virus vivants atténués. Administré par voie orale, il stimule une réponse immunitaire similaire à celle d’une infection naturelle, y compris au niveau intestinal, limitant ainsi la transmission.
PU-PH Professeur d’immunologie, directeur du département clinique du VRI – Expert vaccin HAS, OMS, EMA, Inserm
Source : The Conversation
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