République démocratique du Congo (RDC), dimanche 26 janvier. Plus de trois ans après avoir relancé la guerre, il n’aura fallu que quatre jours d’une offensive éclair pour que des éléments de cette rébellion, appuyés par 3 000 à 4 000 soldats rwandais selon les Nations unies, parviennent à pénétrer dans la capitale du Nord-Kivu. Il était en revanche impossible de savoir combien de ses quartiers ils contrôlaient lundi dans la matinée, ni s’ils avaient pris position dans les points stratégiques de cette cité : le port, l’aéroport, le quartier général de l’armée.
– Et finalement, les hommes du Mouvement du 23 mars (M23) sont entrés dans Goma, la grande ville de l’est de laSelon plusieurs témoins joints par Le Monde, le bruit des armes légères et de l’artillerie lourde a continué à se faire entendre durant la nuit, et des combats violents se poursuivaient lundi matin dans et autour de la ville, notamment au niveau de Gisenyi, la ville jumelle de Goma côté rwandais, où des échanges de tirs ont eu lieu entre soldats rwandais et congolais.
Une évasion massive a eu lieu à la prison de Goma, qui a été incendiée. Les quelque 3 000 détenus qu’elle hébergeait ont pris la fuite. Dans le chaos ambiant, aucun bilan n’est encore disponible, alors que cette ville d’un million d’habitants est entourée de camps de déplacés qui abritent au moins autant de personnes dans des conditions humanitaires dramatiques.
Selon un témoin joint sur place lundi par Le Monde, beaucoup de Gomatraciens ont quitté la ville ces dernières heures. Les autres sont cloîtrés chez eux. « Nous ne savons pas s’il s’agit de wazalendo [des miliciens qui combattent aux côtés de l’armée congolaise], des hommes du M23 qui célèbrent leur avancée ou de face-à-face entre la rébellion et l’armée congolaise, explique-t-il. Mais il semble qu’il y a encore beaucoup de combats », explique-t-il. Certaines vidéos publiées sur les réseaux sociaux montraient des hommes armés en uniforme acclamés par la population.
« Un jour glorieux »
La situation encore volatile n’a pas empêché le M23 d’annoncer lundi, aux premières heures, sa prise de la ville, célébrant « un jour glorieux » et « appelant les habitants de Goma au calme ». « La libération de la ville a été menée à bien », est-il écrit dans le communiqué de Lawrence Kanyuka, le porte-parole de l’Alliance fleuve Congo (AFC), le mouvement politique qui appuie le M23.
Alors que les combats se poursuivent, le rapport de force semble clairement favorable à cette rébellion, appuyée par 3 000 à 4 000 membres des forces de défense rwandaises (FDR), dont l’ultime offensive a pris de court acteurs et observateurs de cette crise. Elle a avancé sans rencontrer de résistance de nature à lui barrer la route, ni de la part des soldats congolais, ni de leurs supplétifs, les miliciens wazalendo, ou des deux sociétés militaires privées qui les appuient. Les casques bleus de la Monusco et ceux de la force régionale SAMI-RDC, dont treize militaires ont été tués, n’ont pas été en mesure de s’interposer.
L’inquiétude internationale est grande, devant une situation humanitaire alarmante et un contexte diplomatique bloqué. Dimanche, lors d’une réunion du Conseil de sécurité convoqué en urgence, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a appelé « les forces rwandaises de défense à cesser de soutenir le M23 et à se retirer du territoire de la RDC ».
La France, par la voix de son ministre des affaires étrangères, a exprimé « sa solidarité à l’égard de la République démocratique du Congo, de son intégrité territoriale. » « Les combats doivent cesser et le dialogue doit reprendre », a insisté Jean-Noël Barrot. Les Etats-Unis, l’Union européenne et l’Union africaine ont appelé à cesser cette offensive.
Les solutions diplomatiques ont toutes échoué
L’entrée du M23 dans Goma est un tournant, alors que la rébellion a relancé la guerre avec la RDC en novembre 2021. En trois ans, les cessez-le-feu n’ont jamais tenu et les solutions diplomatiques ont toutes échoué, jusqu’à celle tentée par l’Angola, officiellement médiatrice, qui n’est pas parvenue à réunir le président rwandais, Paul Kagame, et son homologue congolais, Félix Tshisekedi, autour d’une table mi-décembre.
« Ce nouvel échec, où chaque partie avait des exigences inacceptables pour l’autre, a sans doute été un des déclencheurs de cette offensive. L’Angola n’avait visiblement pas assez de poids pour contraindre à des négociations », analyse Pierre Boisselet, directeur des recherches sur la violence au sein de l’institut congolais Ebuteli. L’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche à Washington a aussi pu changer la donne et permis au Rwanda d’espérer une plus grande tolérance à son égard de la part des Etats-Unis, selon cet expert de la région.
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