Pétrole : Donald Trump veut « forer, forer », mais les majors américaines boudent l’Afrique

Il est peu probable que le continent bénéficie d’un regain d’intérêt des groupes pétroliers texans, qui, jugeant ses potentialités trop modestes et son environnement sécuritaire trop compliqué, y investissent de moins en moins.

Le Monde – Répété en boucle par Donald Trump et ses partisans durant les mois de campagne ayant conduit à sa réélection, le slogan « Drill baby drill », consistant à encourager le forage de puits de pétrole, fait frémir les ONG luttant contre le changement climatique. L’objectif pour l’administration américaine est de tirer le plus grand profit possible de la production d’hydrocarbures avant que les énergies renouvelables ne prennent le pas, dans un avenir assez proche.

 

Cependant, si la dérégulation et l’abaissement des normes prévus par l’administration Trump et son secrétaire à l’énergie, le très climatosceptique Chris Wright, auront des conséquences sur les investissements pétroliers et gaziers aux Etats-Unis, il est très peu probable que l’Afrique bénéficie d’un regain d’intérêt des firmes américaines durant les quatre prochaines années.

Avec 19,3 millions de barils par jour en 2023 (soit 8 millions de plus que leurs deux rivaux, la Russie et l’Arabie saoudite), les Etats-Unis produisent près de trois fois plus que le continent africain dans son ensemble. Or les firmes américaines comme ExxonMobil, Chevron, Marathon Petroleum ou ConocoPhillips concentrent désormais leurs moyens sur l’Amérique du Nord. Elles investissent considérablement moins en Afrique depuis le boom, il y a quinze ans, du gaz et du pétrole de schiste américains.

De plus, l’Afrique est devenue une zone où les découvertes sont globalement de plus petite taille que dans les années 1990. A cet obstacle géologique, fondamental avant de prendre la moindre décision d’investissement, s’ajoutent l’environnement sécuritaire parfois compliqué et une gouvernance pas toujours optimale pour convaincre des conseils d’administration à Houston, de plus en plus allergiques au moindre risque réputationnel.

Un désintérêt grandissant

L’exemple de la plus grande major privée du monde, ExxonMobil, illustre parfaitement le désintérêt grandissant des firmes texanes pour l’Afrique. Son dernier rapport annuel disponible, couvrant l’année 2023, fait état d’investissements de seulement 870 millions de dollars (environ 788 millions d’euros à l’époque) pour l’Afrique sur une enveloppe mondiale de 26 milliards de dollars. Les Etats-Unis représentent plus de 40 % du montant total investi, soit quinze fois la valeur des dépenses consacrées à la totalité du continent africain. De plus, la tendance des investissements en Afrique est depuis plusieurs années en baisse. En 2021 et 2022, ExxonMobil y dépensait encore plus de 1 milliard de dollars.

Le peu d’investissement d’ExxonMobil sur le continent s’explique facilement. Sur 3,5 millions de barils équivalent pétrole (pétrole et gaz) produits par jour dans le monde en 2023 par le pétrolier américain, seuls 221 000 barils provenaient d’Afrique. A mesure que les gisements exploités par ExxonMobil depuis plusieurs décennies sont devenus matures, comme en Angola (bloc 15) ou au Nigeria (où la firme a récemment cédé de nombreux actifs à des sociétés locales comme Seplat Energy), les investissements ont fondu. Ces deux dernières années, ExxonMobil est également parti du Tchad et de la Guinée équatoriale, deux pays où il n’investissait déjà plus depuis longtemps, faute d’une production suffisante.

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Benjamin Augé

est chercheur associé aux centres « Afrique subsaharienne » et « Energie et climat » de l’Institut français des relations internationales (IFRI).

 

 

 

Source : Le Monde

 

 

 

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