Autour de Donald Trump, une équipe de proches loyaux et déterminés à marquer une rupture historique

Le MondeDécryptageDe retour à la Maison Blanche, lundi 20 janvier, le président élu s’est entouré de fidèles en vue d’appliquer un programme dominé par la répression de l’immigration, une politique commerciale agressive et la remise en cause des institutions fédérales et internationales.

Donald Trump promet « un nouvel âge d’or » aux Etats-Unis. A son arrivée à la Maison Blanche, il héritera, le 20 janvier, d’une économie dynamique, d’un taux de chômage très bas (4,1 %), de programmes d’investissements ambitieux dans les infrastructures et les secteurs-clés. Ses priorités affichées sont une campagne historique d’expulsions de sans-papiers, une politique agressive de droits douaniers et une reconfiguration de l’Etat fédéral, plier ses agents à une obligation de loyauté à son égard, mais aussi réduire un déficit budgétaire insoutenable (6,2 % du produit intérieur brut).

La composition de son équipe, à la Maison Blanche et dans les principales branches du gouvernement, témoigne de cette exigence de soumission. Elle représente aussi un risque sans précédent de confusion entre intérêt général et intérêt partisan, service du public américain et enrichissement personnel, à l’instar du rôle multiforme qu’assume Elon Musk, patron du groupe SpaceX, de Tesla et du réseau X, instrument de propagande au service du mouvement Make America Great Again (MAGA). L’écologie, le respect du droit international et des alliances traditionnelles des Etats-Unis paraissent aussi menacés.

A la Maison Blanche, fidélité et discipline

 

Aller vite, sans note dissonante, dans une forme de cohérence idéologique et de discipline : telle est la feuille de route de la nouvelle équipe de conseillers de Donald Trump à la Maison Blanche. La cheffe de cabinet, Susie Wiles, 67 ans, est d’une discrétion rare. La consultante républicaine, qui a codirigé la campagne du candidat, a même refusé de s’exprimer au micro, au soir de la victoire du 6 novembre 2024, malgré les encouragements du président élu. Première femme à occuper ce poste à la Maison Blanche, elle n’est pas familière du fonctionnement de l’appareil fédéral, ayant accompli l’essentiel de sa carrière dans l’Etat de Floride. Mais Susie Wiles tient au process, au contrôle strict de l’accès au président, à la définition de priorités et de calendriers contraignants. Si elle n’est pas connue pour des positions personnelles radicales, elle conçoit son engagement en matière d’efficacité.

Dans un rare entretien accordé au site Axios, réalisé par e-mail, elle expliquait, le 6 janvier, ne pas accepter « les gens qui veulent travailler en solo ou devenir une star ». Dans le New York Times, elle a décrit Donald Trump comme « un oiseau de nuit », tandis qu’elle-même se lève aux aurores, de sorte que la période idéale se situe « entre 14 et 19 heures », lorsqu’elle se trouve physiquement auprès du président élu.

Chef adjoint de cabinet, Stephen Miller va jouer un rôle essentiel, à la fois politique et opérationnel. Vétéran du monde trumpiste à seulement 39 ans, il est une caution de radicalité pour le monde MAGA contre les élites washingtoniennes et la lourdeur de l’appareil d’Etat. Stephen Miller est l’un des rares à avoir servi sous les quatre années de Trump 1, comme conseiller à la Maison Blanche. Son dossier prioritaire, presque obsessionnel, est celui de l’immigration. C’est lui qui doit coordonner en amont la politique d’expulsions massives, historique, promise par Donald Trump pendant la campagne. En 2019, la publication de la correspondance privée qu’il entretenait avec le site Breitbart News montre qu’il soutient la propagation de thèses racistes, relevant du suprémacisme blanc.

Aux côtés de Stephen Miller se trouveront un autre fidèle du président élu, Dan Scavino (49 ans), ainsi que James Blair (affaires législatives) et Taylor Budowich (communication et personnel). Porte-parole de la campagne Trump-Vance, Karoline Leavitt va devenir, à 27 ans, la plus jeune porte-parole de la Maison Blanche de l’histoire. Les règles des interactions avec la presse pourraient être bouleversées. Il est question d’élargir le pool des journalistes qui suivent le président au quotidien, en accordant une large place aux « nouveaux médias », aux podcasts très populaires. Il n’est pas confirmé, par ailleurs, que la salle de presse sera toujours physiquement dans la Maison Blanche.

Obsession migratoire et risque d’instrumentalisation de la justice

 

Lors d’une rencontre entre Donald Trump et les sénateurs républicains, le 8 janvier, Stephen Miller a clairement expliqué les intentions de la nouvelle administration : créer une onde de choc, dès les premiers jours, avec près d’une centaine de décrets présidentiels. Ceux-ci concerneront notamment le sujet central de la campagne du magnat de l’immobilier : l’immigration. Pour y parvenir, l’un des outils juridiques consisterait à ressusciter les restrictions sanitaires du début de l’ère Covid – soit le « Titre 42 » –, qui permettaient de refouler immédiatement les migrants, sans possibilité de déposer une demande d’asile. Donald Trump a déjà évoqué son souhait de mobiliser l’armée, en particulier la garde nationale, qui pourrait servir à gérer des campements temporaires, dans des zones désertiques, où seraient retenus les clandestins interpellés.

La gouverneure du Dakota du Sud, Kristi Noem, 53 ans, a été désignée secrétaire à la sécurité intérieure. Parmi les gouverneurs, « elle a été la première à envoyer des soldats de la garde nationale pour aider le Texas à combattre la crise frontalière de Biden, et ils y ont été envoyés huit fois au total », s’est félicité Donald Trump, au moment d’annoncer sa nomination, en novembre 2024. Kristi Noem se trouvera sous l’autorité d’un homme d’expérience et de terrain, dont les associations de défense des migrants ont éprouvé la brutalité : Tom Homan (63 ans). Qualifié par Donald Trump de « tsar des frontières », il a eu récemment l’idée de mettre en place une ligne téléphonique directe, permettant aux citoyens américains de signaler la présence d’immigrants supposés clandestins ou responsables de crimes.

Interrogé par Le Monde en marge de la conférence de l’organisation Turning Point USA à Phoenix (Arizona), peu avant Noël, Tom Homan s’est refusé à évoquer tout calendrier contraignant pour mener à bien, par phases, la gigantesque opération d’expulsions. Les criminels et les membres de gangs sont son objectif prioritaire. « Cela prendra autant de temps que nécessaire, nous n’arrêterons pas avant d’avoir fini, a-t-il déclaré. Après les quatre années de Donald Trump, nous aurons les huit de J. D. Vance [actuellement vice-président élu], ce qui en fait douze au total. » Derrière ces propos se cache une forme de réalisme et de prudence. La facture d’une campagne massive d’expulsions pourrait s’élever à 88 milliards de dollars [85,5 milliards d’euros] annuels, selon l’estimation de l’organisation American Immigration Council.

La justice est l’autre volet de la politique intérieure qui sera très scruté. Lors de la période de transition allant de l’élection à l’investiture, le 20 janvier, le seul revers essuyé par Donald Trump a concerné le poste de secrétaire à la justice. Matt Gaetz, élu de Floride à la Chambre des représentants, qu’il avait choisi pour ce poste-clé, a dû renoncer après la révélation de scandales sexuels pour lesquels il était mis en cause.

Il a fini par proposer Pam Bondi (59 ans), dont le nom a été accueilli de façon bien plus apaisée. Ancienne procureure générale de Floride (2011-2019), avant de travailler pour le cercle de réflexion conservateur America First Policy Institute, elle possède une vraie connaissance de l’appareil judiciaire. Elle présente aussi un profil très partisan, pro-Trump, qui fait craindre une exécution habile et sans état d’âme des promesses de vengeance formulées par le président élu contre les magistrats, les enquêteurs, les journalistes ou les responsables politiques qui l’ont tourmenté.

Pam Bondi a défendu Donald Trump lors de la première procédure de destitution, lancée contre lui par les démocrates, qui s’est tenue entre la fin 2019 et le début 2020. Elle a ensuite promu ses théories sur les fraudes imaginaires, lors de sa défaite face à Joe Biden en 2020. Au ministère de la justice, elle devrait être entourée de Todd Blanche et d’Emil Bove, deux figures familières pour ceux qui ont suivi la condamnation de Donald Trump à New York au pénal, en mai 2024, pour « falsification de documents comptables » dans l’affaire Stormy Daniels : ses propres avocats. Jamais le risque d’une politisation et d’une instrumentalisation du département de la justice n’a paru si élevé.

Le profil de Kash Patel (44 ans), pressenti pour prendre la tête de la police fédérale (FBI), est encore plus problématique. Adoré par le monde MAGA et les milieux conspirationnistes, celui-ci a publié une liste d’ennemis à poursuivre, appartenant, selon lui, à l’« Etat profond ». Parmi eux figure le directeur sortant du FBI, Christopher Wray, le secrétaire à la justice, le procureur général Merrick Garland, et enfin Joe Biden lui-même. Kash Patel a assuré qu’il fermerait « dès le premier jour » le bâtiment central du FBI à Washington, pour le transformer en « musée de l’Etat profond ».

Fils d’immigrés indiens, Kash Patel a commencé sa carrière comme avocat commis d’office (public defender), en Floride. Promu au sein du département de la justice, il est arrivé à Washington en 2013. En tant qu’enquêteur au Congrès, il a participé aux investigations de la Chambre des représentants sur le « Russiagate », les ingérences de Moscou dans la campagne présidentielle de 2016. C’est à cette occasion qu’il a été remarqué et apprécié par Donald Trump pour son soutien.

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 (New York, correspondant) et  (Washington, correspondant)

 

 

 

Source : Le Monde

 

 

 

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