SILENCE : ÇA VIOLE !

Tchad : Une tribune pour dénoncer les violences sexuelles - Fait le 05/01/25

Si pour certaines victimes le viol est dénoncé, pour d’autres il passe sous silence. Le poids du silence est le catalyseur de la perpétuation de ces atrocités : en gardant le silence, nous devenons complices et permettons à ce fléau de se propager. Notre société change et nous aussi, nous aspirons au changement, mais nous avançons dans la mauvaise direction. Nos valeurs si fièrement prônées se perdent au fil des années face à des actes immoraux posés au quotidien et qui ne sont toujours pas réprimés.

Combien de temps encore allons-nous, Tchadiens, Tchadiennes, accepter ces atrocités, cette barbarie ? Au nom de quelle morale, de quelle religion, de quelle valeur pouvons-nous continuer à tolérer ces violences faites aux femmes et aux filles ?

Dans notre société qui se veut conservatrice, nous assistons indifférents pour certains, impuissants pour d’autres, à une barbarie sans nom. Nous sommes bien en 2025 et les violences sexuelles, en particulier les viols, sont toujours une plaie béante qui gangrène notre pays. Ces atteintes graves aux droits des enfants et des femmes sont un frein au développement du Tchad. Pourtant, c’est la énième sonnette d’alarme tirée pour dire STOP à ce fléau ! Stop aux viols ! Stop aux violences ! Stop à l’impunité !

Les femmes et les filles tchadiennes sont particulièrement vulnérables à ces violences et sont souvent muselées par nos traditions, nos religions, nos inégalités, notre manque d’éducation, pour ne citer que ceux-là. Autant de facteurs qui favorisent la montée en puissance des viols et des violences et créent un climat d’impunité totale qui encourage les violeurs et agresseurs. Notre cher pays a besoin d’un réel plan de sensibilisation en faveur de la jeunesse pour faire évoluer les mentalités et lutter contre les stéréotypes sexistes. Il faut à tout prix briser le cercle vicieux du silence et encourager les victimes à parler et à porter plainte. Il faut traduire les coupables en justice. Nous devons tous jouer notre partition pour créer un environnement plus sûr pour les femmes et les filles du Tchad.

Il faut apprendre à nos fils que les filles ont les mêmes droits et les mêmes valeurs qu’eux, et qu’il est essentiel de les traiter avec respect et considération. Les défis auxquels font face les jeunes sont multiples et méritent une attention particulière.

Le vide éducatif créé par certains parents alimente la délinquance juvénile. Le manque de plateformes d’expression, de partage et d’écoute est aussi un frein à l’émancipation des jeunes. Le manque accru de modèles exemplaires pour nos jeunes est non négligeable face à ce phénomène qui va crescendo.

Le tabou autour de la sexualité accentue d’avantage les frustrations et les fantasmes de ces jeunes. Les réseaux sociaux sont entre autres un accélérateur des phénomènes de déviance au Tchad. L’anonymat qu’ils offrent permet aux jeunes de harceler, d’humilier et d’insulter sans crainte de représailles, banalisant ainsi les violences sexistes et sexuelles. Cette même exposition constante aux discours de haine mène inévitablement à des actes réels, hors ligne.
Nos lois sont belles sur le papier, mais leur application concrète est déficiente, elles sont mises à mal par nos réalités du terrain, les réalités du Tchad !

Il faut condamner et montrer l’exemple sans complaisance.
Il faut condamner les discours qui incitent à la banalisation du viol.
Il faut soutenir les victimes de viols, quel que soit leur âge.
Il faut soutenir les victimes de toutes formes d’abus et de violences, il faut les écouter, mais au-delà les accompagner.

Chaque voix qui s’élève est un pas en avant qui nous rapproche un peu plus d’un Tchad où les femmes et les filles seront libres et protégées afin de réaliser leur plein potentiel. Le viol ne connaît ni âge, ni sexe, ni statut social et c’est pourquoi il ne devrait pas avoir sa place dans notre société.

Il faut le combattre et agir solidairement car comme le dit le célèbre adage tchadien « le rasoir qui rase Issa, peut aussi raser Moussa ». N’oubliez pas que si vous continuez à ne rien dire, à ne rien faire, demain ce sera peut-être votre femme, votre sœur ou votre fille qui sera victime de viol. Et ce jour-là vous regretterez de n’avoir rien fait ; d’avoir gardé le silence ; d’avoir détourné votre regard.

Mais il sera trop tard. Le mal sera fait et vous deviendrez complice de n’avoir rien dit ! De n’avoir rien fait ! S’il semble aujourd’hui impossible pour les victimes de bâtir un Tchad où chaque femme et chaque fille se sente en sécurité et respectée,

il est possible pour nous de faire en sorte que l’impossible devienne possible.

Nous dénonçons tous ces actes ignominieux, nous soutenons nos sœurs victimes de viols et exigeons une justice équitable pour tous.

 

Aché AHMAT MOUSTAPHA, sociologue & artiviste (Tchad)
– Épiphanie DIONRANG, présidente de la ligue tchadienne des droits des femmes (Tchad)
– Maître Hissein NGARO, juriste (Tchad)
– Maître Mamadou ISMAILA KONATE, avocat, ancien Ministre de la justice du Mali (Mali)
– Dr. Mayra DJIBRINE, médecin & militante pour les droits de l’Homme (Niger)
– Laurence Fischer, fondatrice de l’ONG Fight for Dignity (France)
– Bintou CRAMPONT, juriste (Tchad)
– Maître Halimatou CAMARA, avocate (Guinée)
– Khalia AHMAT BABA, sociologue (Tchad)
– Caltouma SINDIGUE, journaliste, Miss Tchad 2019 (Tchad)
– Salma KHALIL, réalisatrice (Tchad)
– Zara LOKSALA, chargée de communication de la plateforme Super Banate (Tchad)
– Irénée MOUDALBAYE, promoteur culturel et conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation au Ministère de la justice en France (Tchad)

 

 

 

 

 

(Reçu à Kassataya.com le 08 janvier 2025)

 

 

 

 

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