Le « Tobol » / Par Elbane Hamady

À mesure que nous avancions, la dune s’apprêtait d’un voile orangé.

Les petits grains transportés par la brise légère nous piquaient les yeux, des flagrances puissantes d’encens -B’khour – montaient dans l’air électrique.

Les scarabées et autres scorpions dessinaient des chemins aléatoires dans le sable. Les mouches importunaient et les fourmis s’agitaient frénétiquement.

Qu’importe pour nous, la voie était toute tracée. L’irrésistible appel était droit devant.

Nous escaladions lentement la dune au son du tambour qui battait la mesure dans cet erg sans cesse modelé par l’infatigable souffle du désert.

Sidi pressait le pas en retroussant ses manches de boubou d’un geste machinal.

Le grondement sourd, profond provenant du tam-tam se faisait de plus en plus pressant.

Les silhouettes des femmes s’animaient, oscillaient, leurs mains se tendaient vers le ciel en successions de gestes rythmés par le tobol*.

Dans le creux de la nouvelle dune, sous le vieil acacia, il accélérait de plus en plus vite. Il se voyait déjà le chou-chou de ces demoiselles.

Leïla sa belle promise, les mains souples teintes de henné volaient, se pliaient, se repliaient, virevoltaient comme un papillon.

C’était sûr, au milieu de la piste de danse, sous la voie lactée dans ce coin perdu du cosmos, c’était lui le plus fort !

Soudain, une autre musique se fit entendre « Aïe, ouille, aïïee… ».

Sidi sautillait, dansait, chantait.

De douleur.

Dans sa précipitation, emporté par son élan, il oubliait les branches d’acacia.

Leurs terribles défenses à peine enfouies sous ces poussières de grès devenues sable avec la complicité du vent.

Ses légères sandales n’y pouvaient rien. Les épines s’enfourchaient aisément dans la plante de son pied droit.

Ce soir là, le fils de guerrier devant ces filets rouge vif qui tatouaient ses pieds n’avait d’autre choix que battre en retraite.

Eh, oui ! Il fallait lentement rebrousser chemin clopin-clopant au son du tambour qui s’évanouissait dans la rondeur des dunes.

Bon, ce n’était que partie remise à la prochaine lune,

InchaAllah !

 

 

Elbane Hamady

 

 

 

 

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page