Sur l’île de Mayotte dévastée, les risques de pénuries d’eau et de nourriture augmentent chaque jour : « Dans quatre jours, il n’y aura plus rien à manger »

L’acheminement des vivres vers l’île prend du temps en raison des communications difficiles. Un couvre-feu a été instauré pour prévenir les risques de pillage.

Le Monde  – « Il faut que de l’aide arrive vite. » « Coupé du monde » à Petite-Terre, qui a été dévastée par le mur de l’œil de Chido avec des vents mesurés à 226 km/h, Youssouf Bacar est catégorique : « Ici, dans quatre jours, il n’y aura plus rien à manger. » « Les jours qui viennent vont être très difficiles », alerte cet entrepreneur installé à Dzaoudzi. « Jusque-là, chacun s’est débrouillé, mais dans quelques jours ? Et, sans courant, les produits congelés ne seront plus consommables à partir de demain. Donc, plus de réserve. Et on ne voit rien arriver. »

 

Les ponts aérien et maritime qui doivent apporter, depuis La Réunion et l’Hexagone, des milliers de tonnes de vivres ? Il n’en a pas entendu parler. Faute de connexion Internet chez lui, obligé de monter sur la colline de la Vigie pour avoir du réseau, ce patron d’une dizaine d’entreprises ne dispose que de bribes d’infos. « J’ai appris seulement ce matin [mardi 17 décembre] que trois ministres étaient venus hier », illustre M. Bacar, par ailleurs très occupé à réparer le toit de sa maison et celui de ses chambres d’hôte arrachés par les vents alors qu’ils étaient fixés dans le béton.

Face aux risques de pénuries en vivres et en eau, il sent une inquiétude se cristalliser. Les grandes surfaces et les petits commerces qui sont ouverts n’ont plus grand-chose à vendre, en raison des dommages causés dans les entrepôts, du manque d’électricité et des routes secondaires encore coupées. Dans certaines parties de l’île, l’état des stocks demeure inconnu. Certains magasins ont été cambriolés, selon des témoignages. Ce qui renforce les craintes d’exactions. Si le préfet estime que la situation est sous contrôle, avec plus des 1 600 membres des forces de l’ordre présents, renforcés bientôt par 400 gendarmes, il a préventivement déclenché, mardi, un couvre-feu entre 22 heures et 4 heures du matin.

« Tout est priorité »

 

Pour mesurer l’urgence de l’approvisionnement en eau et en nourriture, il faut rappeler qu’environ 70 % des 320 000 habitants ont été gravement affectés par Chido. Que les familles des bidonvilles, rescapées de cette apocalypse au bilan encore inconnu – pour l’heure vingt-deux morts et plus de 1 300 blessés dont 200 graves sont recensés, selon le nouveau premier ministre, François Bayrou, mais bien davantage sont redoutés –, ont vu leur case en tôle balayée. Environ 8 000 personnes ont trouvé refuge dans des établissements scolaires transformés en centre d’hébergement que les communes ont bien du mal à approvisionner.

A Mayotte, « tout est priorité », résume François-Noël Buffet, le ministre des outre-mer démissionnaire, après une visite éclair, lundi, dans l’île « où aucun endroit n’a été épargné ». Mais, en haut de la liste des urgences, se trouve l’approvisionnement en vivres. L’enjeu porte sur « la capacité à tenir durant les huit jours à venir », reconnaît M. Buffet, venu saluer, mardi, à l’aéroport de La Réunion, la centaine de gendarmes réunionnais et la trentaine de militaires de la sécurité civile envoyés à Mayotte.

Huit jours pour que les rotations quotidiennes, commencées dimanche, se traduisent concrètement dans les dix-sept communes de l’île par des distributions à ceux qui n’ont plus rien. « Il faut mobiliser toutes les forces pour arriver vite au chevet de Mayotte », appuie le ministre, tout en rappelant que « nous ne sommes qu’à soixante-douze heures de cette catastrophe ». « La mobilisation est déjà gigantesque », défend-il.

Risque de « famine »

 

Durant ces huit jours jugés « compliqués », les rotations entre l’Hexagone et La Réunion, puis La Réunion et Mayotte, distantes de 1 400 kilomètres, vont monter en puissance, avec d’ici à la fin de la semaine entre sept et dix vols quotidiens. Sa tour de contrôle étant hors service, l’aéroport ne peut être utilisé que par des avions militaires. Un Airbus A400M de l’armée de l’air achemine tous les jours plus de 23 tonnes de vivres et d’eau, ainsi que du matériel. Un second doit rapidement assurer des rotations avec l’Hexagone. Des avions civils des compagnies privées, telle Air Austral, sont réquisitionnés pour participer au pont aérien visant à acheminer fret et renforts, avec plus de 1 200 secouristes, forces de l’ordre et techniciens. « Nous travaillons à une massification des rotations aériennes », dit le préfet de La Réunion, Patrice Latron, également préfet de la zone de défense du sud de l’océan Indien.

Tenir, donc, jusqu’à ce que cette capacité de fret soit décuplée par l’envoi de bateaux qui prennent un peu plus de jours pour relier La Réunion et Mayotte. En fin de semaine, un bateau de la CMA CGM acheminera 150 conteneurs de produits alimentaires et de bouteilles d’eau. Le navire des terres australes et antarctiques françaises, le Marion-Dufresne, doit, lui, effectuer une rotation la semaine prochaine, avec également plus de 100 tonnes de ravitaillement. La marine nationale planche également sur l’envoi d’un porte-hélicoptères, depuis Toulon, capable de transporter plus de 2 000 tonnes de fret.

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 (Saint-Denis (La Réunion), correspondant)

 

 

 

 

Source : Le Monde 

 

 

 

 

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