Afrique XXI – Reportage · Le 17 septembre 2024, le quartier de Faladiè, en plein cœur de Bamako, s’est réveillé au bruit des armes lourdes : l’école de gendarmerie a été la cible d’une attaque djihadiste. Trois mois après, les habitants vivent dans la psychose, et tout particulièrement les personnes déplacées, qui craignent les amalgames.
Il est 22 heures, le 11 novembre 2024. Amadou Traoré, conducteur de mototaxi, s’arrête un moment à deux pas de la Tour de l’Afrique. Ce monument imposant – 50 mètres de haut, 22 mètres de diamètre – est un symbole de l’unité africaine au Mali. C’est ici qu’Amadou a assisté, le 17 septembre 2024, à l’attaque de l’école de la gendarmerie située à moins de 400 mètres.
« Tout a commencé vers 4 h 30. J’étais couché sur ma moto quand j’ai entendu des coups de feu dans l’école. Nous nous sommes éloignés de là où se passait l’attaque », raconte-t-il avant d’ajouter : « Des bruits de tirs continuaient, quand soudain nous avons entendu ce qui semblait être l’éclatement d’une bombe. Au même moment, les renforts sont arrivés, et ces derniers nous ont sommés de nous éloigner. »
Ce jour-là, une double attaque, revendiquée plus tard par le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (GSIM, ou JNIM selon son acronyme en arabe), affilié à Al-Qaïda, visait la capitale malienne. Ses cibles : l’école de la gendarmerie et l’aéroport international de Bamako. Si les autorités n’ont communiqué aucun bilan, des sources ont fait état, auprès des médias internationaux, de 77 morts et de centaines de blessés.
Depuis cet assaut, Amadou, un trentenaire, a pratiquement cessé de travailler la nuit. Sa femme ne veut plus qu’il rentre après 23 heures. Mais pour le conducteur, il s’agit d’un important manque à gagner : « C’est pendant la nuit que j’avais beaucoup de clients. Même si la peur demeure, j’ai confiance dans les mesures prises par nos autorités », explique-t-il.
Une peur diffuse
Awa Traoré vend des fruits dans la gare des bus Sotrama au bord du goudron. Ici, la vie semble avoir repris son cours normal. Awa sert des bananes à un apprenti de la Sotrama ; il la taquine, elle rit. Malgré sa bonne humeur, Awa vit dans l’angoisse et la peur. « Le 17 septembre au matin, je suis venue trouver la barricade placée par les forces de l’ordre, m’empêchant d’accéder à mon commerce, dit-elle d’un ton triste. Un passant m’a expliqué que l’école avait été attaquée vers l’aube. » Ce jour-là, elle est retournée chez elle mais elle est revenue travailler dès le lendemain. « J’ai peur, car on ne sait plus où nous serons en sécurité. Mais j’ai aussi confiance dans nos autorités, qui ont maîtrisé la situation dès le premier jour », se rassure-t-elle.
Depuis l’attaque, l’école de la gendarmerie s’est barricadée. La dernière promotion, sortie en août 2023, comptait 943 sous-officiers. Dans la capitale, les alentours de tous les camps militaires ont vu leur sécurité renforcée. Les civils qui travaillaient à proximité de ces installations ont été expulsés. En outre, le gouverneur de Bamako a décidé, le 19 septembre, de délocaliser tous les garbals (marchés de bétail) en dehors de la ville. Depuis plusieurs années, les autorités gardent un œil vigilant sur ces marchés qu’elles soupçonnent d’abriter des sympathisants du GSIM.
La nuit, pour se balader, il faut être muni de sa pièce d’identité pour franchir les barrages des policiers. Il est désormais interdit de s’approcher de l’école, qui se trouve sur la voie menant au quartier Sirakoro. Adama Fané vit avec sa famille à Faladiè Village Can, derrière l’école. Le jour de l’attaque, des présumés djihadistes ont été arrêtés dans une maison voisine de la sienne. Ce père de famille a depuis instauré un couvre-feu : « Tout le monde a l’obligation d’être là avant minuit. » Pour ce quadragénaire, la priorité est de protéger les siens. « On ne pouvait imaginer une attaque contre une école de la gendarmerie. On croyait être dans l’une des zones les plus sécurisées de Bamako », témoigne-t-il avec inquiétude.
L’attaque qui a visé l’école de gendarmerie est intervenue dans un contexte humanitaire déjà dramatique. L’Agence des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) comptabilisait, en août 2024, 301 000 personnes réfugiées dans des pays voisins et 330 000 déplacés internes.
Source : Afrique XXI
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