Libération – Ecrouée à Haren, une section de Bruxelles, dans la prison la plus grande et la plus récente de Belgique (elle a été inaugurée en 2022), Rokia Traoré attend son procès qui pourrait s’ouvrir avant la fin de l’année. La star de la chanson malienne, 50 ans, a été extradée d’Italie le 29 novembre, sur demande de la justice belge. En octobre 2023, elle avait été condamnée en son absence à une peine de deux ans de détention pour séquestration et non-présentation d’enfant. A sa demande, elle va donc être rejugée, après avoir passé six mois derrière les barreaux, dans trois pays.
En 2019, alors que Rokia Traoré est une des artistes africaines les plus actives sur les scènes mondiales, à travers des spectacles de musique, de théâtre ou de danse, elle entre en conflit avec le dramaturge et directeur artistique belge Jan Goossens à propos de la garde de leur fille, née en 2015. Alors que le couple est séparé depuis un an, la mère accuse le père d’attouchements sexuels. Uma, scolarisée depuis au Mali, a aujourd’hui 9 ans et demi, et Jan Goossens dit ne pas l’avoir vue depuis cinq ans et demi.
Deux semaines à Fleury-Mérogis
La chanteuse avait déjà été arrêtée en mars 2020 à Paris en vertu d’un mandat d’arrêt européen lancé par la justice belge, qui lui reprochait le non-respect d’un accord sur la garde partagée de l’enfant. Elle avait notamment refusé de confier Uma à son père pour un mois de vacances d’été, invoquant une décision de la justice malienne qui lui accordait la garde exclusive.
Enfermée à Fleury-Mérogis (Essonne), en pleine pandémie du Covid-19, Rokia Traoré avait entamé une grève de la faim. L’économiste sénégalais Felwine Sarr avait pris sa défense en dénonçant un comportement colonialiste des juges de Bruxelles. Dans une tribune publiée par Libération, des célébrités (dont Annie Ernaux, Edgar Morin, Omar Sy et Lilian Thuram) demandaient sa libération, et Christiane Taubira l’assurait de son soutien.
Remise en liberté après deux semaines d’enfermement, avec interdiction de quitter la France, l’artiste s’était aussitôt envolée avec sa fille pour le Mali. Depuis Bamako, la jeune femme livrait sa version des faits sur les ondes de RFI : «La justice belge […] n’a pas été équitable, elle n’a pas été impartiale. Elle n’a vu que l’Africaine qui vit en Afrique, donc coûte que coûte, cet enfant, nous devons le ramener en Belgique. C’est cela le racisme.»
Le repli sur son pays, pour éviter d’être arrêtée en passant les frontières, a interrompu la carrière internationale de Rokia Traoré, alors en pleine ascension, après deux disques réalisés par John Parish, le producteur de PJ Harvey, pour le prestigieux label américain Nonesuch, puis ses spectacles plébiscités sous la direction de l’Américain Peter Sellars. Elle se replie sur la Fondation Passerelle, qu’elle a édifiée et qu’elle finance à Bamako, à la fois club, studio de répétition et centre de formation aux métiers artistiques.
Source : Libération (France)
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