Jeune Afrique – En Afrique, plus qu’ailleurs, les terres sont bien plus qu’un espace géographique, elles sont l’essence même de l’existence. Portées par des générations de cultures, de savoir-faire et de traditions, elles définissent les identités et régulent les rapports avec la nature. Les terres nourrissent les peuples. Elles fournissent les habillements grâce aux fibres naturelles qu’elles produisent, et parfument nos vies avec les extraits précieux des plantes.
Pourtant, cette ressource vitale est aujourd’hui menacée. Jadis réservoir mondial de terres fertiles, l’Afrique connaît une dégradation et une stérilisation vertigineuses de ses terres. Pour un continent où environ 60 % de la population active dépend directement de l’agriculture, la sécurité alimentaire est intimement liée à la santé des sols.
L’équivalent de 100 terrains de football dégradés chaque minute
Avec la dégradation des terres, on note une intensification des conflits liés à l’accès à la terre et à l’eau, forçant ainsi des millions de personnes à migrer. C’est une menace à laquelle il est impératif de répondre. L’ambition est de renverser cette dynamique et engager l’Afrique et le monde dans un mouvement de restauration des terres de lutte contre la sécheresse.
En Afrique, une superficie de terres fertiles équivalente à 100 terrains de football se dégrade chaque minute. Ainsi, de 2015 à 2019, l’équivalent de la superficie du Mali et du Burkina Faso combinés a connu une baisse de fertilité des sols, un chiffre alarmant, mais malheureusement en constante augmentation. Une perte qui engendre des coûts faramineux – tant socio-économiques qu’environnementaux. En 2023, les sécheresses, qui ont affecté le continent de manière disproportionnée, ont causé plus de 70 milliards de dollars de pertes économiques.
Un trou de 2 100 milliards de dollars
Le financement nécessaire pour remédier à cette situation est largement insuffisant. Selon les estimations du Mécanisme mondial, un organe de notre Convention, il aurait fallu investir 2 600 milliards de dollars entre 2016 et 2030 pour restaurer plus d’un milliard d’hectares et renforcer la résilience face aux sécheresses récurrentes. Or, à ce jour, seuls 18 % de ces fonds ont été mobilisés, laissant un déficit béant de 2 100 milliards de dollars.
Pour l’Afrique, la situation est encore plus critique. Il est estimé qu’environ 191 milliards de dollars sont nécessaires chaque année pour restaurer 600 millions d’hectares de terres dégradées. Cette situation s’accompagne d’un coût humain considérable, notamment dans des régions comme le Sahel, où les déplacements massifs créent des tensions sociales et accentuent les risques de conflits et d’insécurité.
La situation est donc d’une urgence absolue. La question n’est plus de savoir si nous devons agir, mais comment et à quelle échelle. Investir dans la restauration des terres est une immense opportunité économique, qui pourrait permettre d’améliorer la productivité agricole, mais aussi de nourrir des millions de personnes.
Miser sur le secteur privé
Un investissement global dans la restauration pourrait rapporter chaque année jusqu’à 1 800 milliards de dollars. Cependant, un potentiel reste encore largement inexploité : celui du secteur privé. Ce dernier représente seulement 6 % des financements mobilisés pour la restauration des terres, alors même qu’il dépend directement des ressources issues de ces terres.
S’il jouait pleinement son rôle en investissant dans des projets de restauration à grande échelle, les impacts positifs seraient colossaux : des millions d’emplois verts, le développement d’infrastructures écologiques, etc. Les entreprises devraient saisir cette occasion pour préparer l’avenir des générations futures.
Cette semaine à Riyad, les leaders mondiaux, les investisseurs et les acteurs de la société civile auront la responsabilité de transformer les discours en actions concrètes et ambitieuses à la hauteur des enjeux et des attentes de toutes les populations. Le temps des promesses vides est révolu. L’Afrique ne peut plus attendre. En investissant dans nos terres, nous investissons dans notre survie, notre stabilité et notre prospérité collective. Le futur de l’Afrique commence aujourd’hui, à la COP16.
Source : Jeune Afrique
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