Pourquoi il faut allonger la durée des mandats présidentiels en Afrique

Si le maintien au pouvoir des dirigeants africains par la force ou par des coups d’État institutionnels est un fléau pour la démocratie, il serait bon, assure Francis Akindès, sociologue et professeur à l’université Alassane-Ouattara de Bouaké, de réfléchir à des mandats plus longs.

Jeune Afrique  – En Afrique, le respect des limitations du nombre de mandats et de l’âge est un sujet de passion politique. Devenus de véritables mantras, ces deux dispositions, qui se veulent des boucliers contre la prolongation indue de l’exercice du pouvoir, sont souvent remises en question. Elles soulèvent un débat entre ceux qui tiennent à leur respect, car ils y voient un gage de la qualité des démocraties, et ceux qui, au contraire, les qualifient de fétichisme politique, déconnecté de la réalité sociale.

Quoi qu’il en soit, la liste des pays africains où cette clause constitutionnelle est respectée se réduit, tandis que celle de ceux où l’on tente de contourner les limitations s’allonge. Pour des raisons diverses, les volontés politiques unilatérales de modification des Constitutions par les pouvoirs en place se multiplient en Afrique. Ces démarches sont souvent suspectées de cacher des ambitions de conservation durable du pouvoir.=

Des modifications plus ou moins subtiles

Depuis les élections de 2020, le président Alassane Ouattara est accusé par son opposition de faire un mandat de trop, alors qu’il objecte que la nouvelle Constitution ivoirienne, adoptée par référendum en octobre 2016, le lui permet. Faure Essozimna Gnassingbé a promulgué, le 6 mai dernier, la loi numéro 2024-005 portant révision de la Constitution togolaise, qui lui permet subtilement de prolonger son bail à la tête du pays.

Tout comme Blaise Compaoré, au Burkina Faso en 2014 (quand sa tentative de modifier la Constitution pour rester au pouvoir lui a valu mécontentement populaire et coup d’État militaire), le président guinéen Alpha Condé a été renversé – en 2021 – après avoir modifié la Constitution pour se présenter à un troisième mandat. En l’associant à une dénonciation de la corruption, d’une mauvaise gouvernance ou d’un exercice du pouvoir perçu comme autoritaire, les militaires trouvent aisément, dans les manipulations constitutionnelles, une justification à leur entrée, kalachnikov à la main, dans l’arène politique.

Le plus souvent accueillies dans la liesse, les juntes qui se sont installées en Guinée, au Mali, au Niger et au Burkina Faso découvrent les délices du pouvoir et inventent à leur tour toutes sortes d’arguments pour faire reculer les dates de la transition démocratique, non sans avoir fait de la peur leur fonds de commerce et sans craindre d’opérer avec plus de brutalité que ne l’auraient fait les régimes civils, jamais vraiment sûrs que l’armée les suivrait. Forts du fantasme qui entoure leur pouvoir réformateur, les militaires préfèrent user de la posture souverainiste pour conserver du pouvoir par les armes – au final, leur agenda est souvent le même que celui des auteurs de coups d’État constitutionnels.

Les modifications opportunistes des Constitutions en plein exercice constituent une violation des règles du jeu démocratique. Elles ne peuvent et ne doivent faire l’objet d’aucun compromis – on ne parlerait d’ailleurs plus de compromis, mais de compromission politique. Cependant, la question du nombre et de la durée des mandats est un sujet qui mérite d’être débattu.

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Francis Akindès
sociologue et professeur à l’université Alassane-Ouattara de Bouaké,

Source : Jeune Afrique

 

 

 

 

 

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