– Il y a eu un héros de la guerre de libération, des journalistes, des politiques, des militants, des anonymes. Et à présent un écrivain. Depuis plusieurs années, la répression n’épargne aucune âme, ne supporte aucune pensée dissonante en Algérie, surtout quand le régime se sent attaqué. Mardi 26 novembre, Le Monde a appris auprès d’une source judiciaire algérienne, que Boualem Sansal, 80 ans, auteur franco-algérien est, depuis le 21 novembre – cinq jours après son interpellation à son arrivée à l’aéroport d’Alger –, en détention provisoire, accusé d’« atteinte à l’intégrité du territoire national ».
Cette accusation assimilée à un acte de « terrorisme », selon l’article 87 bis du code pénal, et que l’avocat de l’écrivain, François Zimeray, a confirmé, est passible de la prison à perpétuité, voire de la peine de mort – bien qu’aucune exécution capitale n’ait eu lieu depuis 1993. Placé sous mandat de dépôt par le procureur spécialisé dans les dossiers de sûreté de l’Etat du tribunal d’Alger, il a depuis été transféré à l’hôpital Mustapha-Pacha. Il va mieux, selon une source judiciaire et a fait appel de sa détention.
La lourdeur de l’accusation a suscité de nombreuses réactions, résumées par les propos de Me Zimeray : « La privation de liberté d’un écrivain de 80 ans à raison de ses écrits est un acte grave. »
« Libération immédiate »
Le monde intellectuel, à commencer par son éditeur Gallimard, a aussitôt exprimé sa stupeur. Plusieurs Prix Nobel de littérature, tels que Jean-Marie Le Clézio, Orhan Pamuk ou Annie Ernaux, et des écrivains de renommée mondiale, comme Salman Rushdie et Roberto Saviano, ont demandé la « libération immédiate » de l’auteur franco-algérien. L’académicien Jean-Christophe Rufin a annoncé avoir proposé un « vote d’urgence » pour élire Boualem Sansal parmi les Immortels.
Dans la classe politique française, la droite et l’extrême droite ont été les plus promptes à réagir. « La défense de la liberté n’a pas de couleur politique. La protection d’un concitoyen, détenu arbitrairement pour des motifs fallacieux, doit faire réagir toute la classe politique, a, par exemple, insisté sur X David Lisnard (Les Républicains, LR), le maire de Cannes. Il est urgent que la France fasse enfin entendre sa voix avec fermeté. Liberté pour Boualem Sansal. »
Le maire du Havre (Horizons), Edouard Philippe, l’eurodéputé LR François-Xavier Bellamy, le député Union des droites pour la République Eric Ciotti, la présidente du groupe Rassemblement national à l’Assemblée, Marine Le Pen, et le président de Reconquête !, Eric Zemmour, ont, eux aussi, dénoncé « l’arrestation arbitraire » de l’écrivain. A gauche, des personnalités comme le secrétaire national du Parti communiste, Fabien Roussel, le premier secrétaire du Parti socialiste (PS), Olivier Faure, le président du groupe PS à l’Assemblée nationale, Boris Vallaud, ou le député Alexis Corbière, ex-La France insoumise (LFI), ont également appelé à sa libération.
Interrogée mardi au Palais-Bourbon sur la possibilité de sanctionner des dirigeants algériens dans cette affaire, la ministre déléguée chargée des Français de l’étranger, Sophie Primas, a demandé de la « discrétion », assurant que « les services de l’Etat sont pleinement mobilisés pour suivre la situation de notre compatriote ». Déjà, le 21 novembre, Emmanuel Macron avait dit être « très préoccupé par la disparition » de M. Sansal, en exprimant « [son] attachement indéfectible à la liberté d’un grand écrivain et intellectuel ».
« Ligne rouge »
Même si la justice algérienne n’a pas exprimé les motifs exacts de cette arrestation, le régime semble reprocher à l’écrivain des propos tenus, le 2 octobre, dans le média français d’extrême droite Frontières, dont il est membre du comité d’experts. Dans cet entretien, relayé par des médias marocains, il expliquait que le royaume chérifien n’avait pas été colonisé « parce que c’est un grand Etat ». « C’est facile de coloniser des petits trucs qui n’ont pas d’histoire, mais coloniser un Etat, c’est très difficile », avait-il ajouté.
Boualem Sansal avait également dit que « quand la France a colonisé l’Algérie, toute la partie ouest de l’Algérie faisait partie du Maroc : Tlemcen, Oran et même jusqu’à Mascara (…). Quand la France colonise l’Algérie, elle s’installe comme protectorat au Maroc et décide comme ça, arbitrairement, de rattacher tout l’est du Maroc à l’Algérie, en traçant une frontière. »
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– (Le 26 novembre 2024)
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