Le Calame – Depuis que le président de la République a ordonné le décaissement de 50 milliards d’ouguiyas MRO pour le développement et la modernisation de Nouakchott, les langues se délient. Tous s’accordent à dire que ce projet est louable : notre capitale a vraiment besoin de se moderniser et de devenir attractive. Mais pendant que le gouvernement se réunit pour préparer le terrain, les personnes averties et les simples citoyens s’interrogent sur le sort du pactole. Vers quoi s’achemine-t-on ?
Selon les informations et rumeurs qui circulent, les différents chantiers seront confiés aux départements concernés. Certains volets transversaux feront appel à d’autres départements ou délégations, comme le génie militaire, Taazour ou le CSA. Les axes d’interventions ont été donnés avec la publication des résultats de la réunion tenue au palais présidentiel le 5 Novembre 2024. Y assistaient le président de la République, son directeur de cabinet, le Premier ministre et les membres du gouvernement impliqués : ministres de l’Hydraulique et de l’assainissement, de l’Équipement et des transports, de la Santé, de l’Énergie et du pétrole, de l’Éducation nationale, de l’Autonomisation des jeunes et du service civique, de la Jeunesse et des sports. On y a aussi noté la présence du ministre délégué chargé de la décentralisation et du délégué général de Taazour. Les gros ouvrages devraient revenir principalement aux ministères des infrastructures routières et des bâtiments publics. Leurs départements tireront en tout cas les gros lots du pactole, en ce qui concerne les premières priorités de Nouakchott.
Toujours au cours de cette première réunion, les participants ont arrêté la stratégie du projet. Elle sera participative et impliquera donc les autorités locales et les élus. Pourvu que chacun ne vienne pas tirer la couverture de son côté, comme lors des réunions des comités régionaux de développement (CRD) ! Les uns et les autres se battent pour arracher, chacun pour sa commune, les investissements prévus, sans forcément se soucier de l’impact pour les populations. C’est dire que les arbitrages risquent d’être âpres entre les départements ministériels et au sein des trois régions. « À qui reviendra le dernier mot ? », s’interrogent les Nouakchottois qui ne voudraient pas voir s’ériger des « éléphants blancs » dans leur zone respective, sans aucun impact sur leur quotidien.
Autre inquiétude, le choix des entreprises qui devront exécuter les chantiers. Sans jeter de discrédit sur personne, il n’est pas exagéré d’affirmer que les différents ouvrages déjà réalisés en matière de transports, voirie et assainissement ont montré les limites de la qualité du travail de certaines entreprises mauritaniennes : les routes sont mal construites, le goudron de mauvaise qualité, etc. Pour les bâtiments publics, ce n’est pas non plus gagné : le bâtiment de l’Assemblée nationale est là pour le prouver. Des fissures y sont apparues quelques mois à peine après les dernières couches de peinture. Quant à l’hôpital de l’Amitié, il a dû être réhabilité quelques petites années après sa construction et son inauguration forcée par l’ex-président Ould Abdel Aziz.
Le ministère de l’Équipement et des transports aura la lourde mission de restaurer la voirie de Nouakchott ; comme dit tantôt, les routes existantes sont, dans leur majorité, de piètre qualité. Ici, se pose la question de ce qu’il va faire des travaux en cours aux carrefours Madrid et Bamako. Cet important axe qui fait remonter les banlieusards de Riyad et d’Arafat vers le centre-ville est en perpétuel réfection ; on casse le bitume et l’on démolit les ronds-points… mais les travaux en cours ne semblent guère différer des précédents. Si l’objectif est de faciliter la mobilité sur cet axe, les nouvelles barrières posées risquent d’occasionner beaucoup de dégâts. Quelques conducteurs imprudents ont déjà commencé à casser leur véhicule sur ces obstacles encore inachevés. Les sens aller et retour de la route ne sont pas de même niveau et un seul coup de volant mal venu peut provoquer de sérieux dommages. Les réalisateurs de travaux de piètre qualité doivent en répondre. Le ministère de l’Équipement et des transports va-t-il connecter les chantiers du projet de modernisation avec ceux de nos grands axes en mauvais état ? Ou bien va-t-il détruire ceux-ci et tout reprendre à zéro ? Ce serait certes très coûteux mais il vaut mieux construire des routes pour un siècle ou environ que de déverser des milliards presque tous les ans sans grands effets.
Un sérieux test pour le gouvernement
Autre souci, la précipitation. Selon certaines informations, les départements concernés voudraient achever les études d’ici trois mois. Disposent-ils du personnel et des outils techniques nécessaires ou feront-ils appel, comme par le passé, à un secteur privé complaisant ? Avec des mannes de ce genre, les entreprises de construction et les bureaux d’études se livrent une rude concurrence… tandis que les ordonnateurs de budget se préoccupent surtout du profit qu’ils peuvent en tirer. Bref, le « Projet des cinquante milliards » est un sérieux test pour le gouvernement de Moktar ould Diaye. À défaut de fonder une Agence nationale d’exécution – qui serait budgétivore, craignent certains – le Premier ministre aura la lourde tâche d’assurer le suivi de tous les chantiers. Du coup, on le verra davantage à l’œuvre et l’on saura s’il a véritablement les coudées franches et s’il peut vraiment secouer le mammouth. Les travaux doivent permettre aux Mauritaniens de constater que tout se fera dans la transparence et l’équité et que la corruption « commence à reculer », puisqu’il semble encore très tôt pour parler de son éradication.
Dalay Lam
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