Pavillon – Les artistes américains à la Biennale : Dans le sillage de l’esclavage

Le Quotidien – «L’éveil, le sillage», la thématique de cette 15e édition de la Biennale de l’art africain contemporain a été déclinée par les artistes du Pavillon américain. Dans leurs propositions, il est beaucoup question de cette eau qui sépare l’Afrique de l’Amérique, et sur laquelle voguèrent les bateaux de l’exil.

Dans le sillage des bateaux négriers transportant des milliers d’Africains vers les Amériques, l’écume est tristesse et mal-être. Ces sentiments sont très présents dans les œuvres des artistes américains qui exposent à la 15e édition de la Biennale de l’art contemporain africain.

Les Etats-Unis, qui sont le pays invité d’honneur, proposent un pavillon qu’occupent sept artistes exposants. «L’esclavage a été une étape qui a affecté l’ensemble des Africains, mais surtout nous les Noirs américains. Nous voulions créer une expérience d’immersion qui va donner une idée de l’impact de ce voyage, parler des relations de part et d’autre de l’océan, donner une idée de l’avenir», explique Diana Baird Ndiaye, commissaire de l’exposition, en démarrant une visite de presse du pavillon.

Voyage atlantique

Autour de cette thématique générale, les artistes ont laissé libre cours à leur créativité. Le voyage dans l’Atlantique est ainsi réinterprété de façon onirique par l’artiste Ayana Jackson. L’artiste s’est inspirée du groupe techno Drexiya de Detroit dont les albums des années 1990 mettaient en scène un royaume mythique de l’Océan atlantique peuplé des bébés des femmes africaines asservies qui avaient été jetées par-dessus bord pendant la traversée de l’Atlantique.

Dans cette installation composée de 3 vidéos, l’artiste revisite ce mythe à travers un personnage de femme, le corps recouvert de peinture blanche et qui nage dans les profondeurs de l’océan, aux côtés des lamantins.

Pour Chelsea Odufu, c’est la spiritualité de la société sénégalaise qui est son objet d’étude. Sur des écrans en croix, les religions du livre y côtoient les croyances traditionnelles. L’artiste, qui s’est rendue à Touba et dans d’autres espaces de prière et de culte, met en exergue ce syncrétisme religieux qui caractérise la société sénégalaise. «Un travail sur la dualité entre spiritualité sénégalaise et la nature syncrétique du soufisme», indique l’artiste.

Justen Leroy en est à son premier contact avec le continent africain. Mais son œuvre est universelle. Elle est un cri du cœur, de détresse d’une planète en souffrance. L’installation «Lay me down in praise» superpose des clips d’artistes noirs avec des images d’activités géologiques. Des sommets enneigés et une vidéo en noir et blanc montrant un homme et une femme unis dans la joie d’accueillir une nouvelle vie.

L’artiste, qui dénonce une certaine mise à l’écart des Afro-américains sur ces questions environnementales, s’interroge sur l’angoisse des parents d’amener une nouvelle vie sur un monde en train de s’effondrer. L’auteur partage ses questionnements sur l’avenir de la planète.  Changer de paradigme, c’est à cela qu’invite Sonya Clark. Son travail conteste l’utilisation de l’alphabet romain.

A la place, elle développe le Twist, une forme de caractère basée sur le motif de boucle de cheveux africains. Grace à ce nouvel alphabet, Sonya Clark a traduit un poème de Gwen­doline Brooks, Paul Robeson. «L’alphabet romain est un outil de domination culturelle. Décoloniser les esprits africains passe par une utilisation des langues africaines. Mais pour être alphabétisé dans sa propre langue, il faut utiliser un alphabet romain. J’ai donc inventé mon propre alphabet basé sur les cheveux crépus africains», raconte-t-elle.

«Les morts ne sont pas morts»

Chase Johnson inscrit son œuvre dans le sillage de Birago Diop. «Les morts ne sont pas morts» chez cet artiste qui explique que sur les 15 millions d’Africains vendus en Amérique pendant l’esclavage, 10, 7 millions ont survécu au voyage sur l’Atlantique et parmi eux, 500 à 700 mille seraient originaires de la Sénégambie. «Nous ne sommes pas morts. Nous avons juste pris une nouvelle forme», dit-il, en invitant à reconsidérer ces histoires. Ce voyage transatlantique est le cœur de l’œuvre de Ya La ’Ford. Par des dessins complexes et des récits, l’artiste multidisciplinaire explore les liens entre l’eau, la migration et la résilience.

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Mame Woury THIOUBOU

Source : Le Quotidien (Sénégal) – Le 13 novembre 2024

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