Le Monde – Jamais une pièce, au Théâtre du Châtelet, à Paris, n’avait proposé autant de rebondissements avant même les trois coups. La cérémonie du Ballon d’or et les heures qui l’ont précédée, lundi 28 octobre, ont offert un suspense qui accompagne rarement ce grand raout du football mondial. Au terme de plusieurs heures d’incertitude, c’est Rodri, le milieu espagnol de 28 ans de Manchester City, qui s’est péniblement avancé jusqu’à la scène, béquilles en main, pour récupérer la plus belle récompense individuelle qui soit pour un joueur. « Jamais je n’avais rêvé de remporter un tel trophée », dira-t-il, quelques minutes plus tard.
Rodri est le nouveau visage du football mondial, premier successeur de l’ère dominée par Lionel Messi et Cristiano Ronaldo. Les deux géants étaient absents de la liste des trente nominés pour la première fois depuis 2003, après avoir remporté treize des quinze dernières éditions. Rodri, seul sur scène, curieux paradoxe pour un joueur collectif par excellence. Mais après tout, ces joueurs ont aussi droit aux honneurs, et ceux du jour sont entièrement mérités pour l’Espagnol, très ému au moment de saisir son premier Ballon d’or.
La surprise était donc double au Théâtre du Châtelet : le vainqueur de l’édition 2024 présente un profil moins offensif que les habituels lauréats et a devancé Vinicius (2ᵉ) à l’issue des votes des cent jurés. L’ailier brésilien était désigné depuis plusieurs mois comme le grand favori, notamment grâce à sa victoire en Ligue des champions avec le Real Madrid. Ces dernières années, les rumeurs sur l’identité du vainqueur se vérifiaient le jour J et la cérémonie parisienne ne prenait personne de court.
La tournure inattendue des événements, avant la cérémonie au Théâtre du Châtelet, a transformé cette journée en tragicomédie. D’un côté, le Real Madrid, vexé par la deuxième place de Vinicius, annulait sa venue à Paris, alors même que Jude Bellingham complétait le podium (3ᵉ), devant son coéquipier Dani Carvajal (4ᵉ). De l’autre, Manchester City, un brin taquin, publiait au même moment sur son compte X une vidéo de tous les buts inscrits par Rodri en Premier League la saison dernière. Comme pour donner un indice sur l’issue du vote.
Un joueur discret, qui se tient éloigné des réseaux sociaux
Le club champion d’Angleterre aurait tout aussi bien pu ajouter des images du milieu espagnol résistant au pressing adverse, ses plus beaux tacles, ses transversales millimétrées, ses ballons distribués dans la profondeur, sa science du positionnement… Tout ça est évidemment moins tape-à-l’œil, mais fait l’essence du jeu de Rodri. Sans ses qualités, l’Espagne n’aurait sans doute pas gagné l’Euro − le milieu a été élu meilleur joueur de la compétition − et Manchester City la Premier League.
Lors de cette saison 2023-2024, Rodri a également remporté la Supercoupe d’Europe et la Coupe du monde des clubs avec les Skyblues, qui n’ont perdu que trois matchs en Premier League la saison dernière. A chaque fois, l’Espagnol n’était pas sur la pelouse. « Rodri est de loin le meilleur milieu du monde parce qu’il est capable de tout faire », disait de lui son entraîneur, Pep Guardiola, en février.
Le coach de Manchester City était tombé sous le charme du milieu lorsqu’il évoluait à Villarreal, avant que le club anglais ne l’arrache à l’Atlético de Madrid contre 70 millions d’euros, en 2019. Pep Guardiola en avait alors rapidement fait l’un des pions essentiels de son équipe, bien qu’il ait l’habitude d’intégrer progressivement ses recrues pour qu’elles s’acclimatent à son style de jeu si exigeant. Les débuts avaient été difficiles, mais Rodri s’est finalement adapté au football anglais avec brio.
Source : Le Monde
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