Visite de Macron au Maroc : des retrouvailles qui irritent l’Algérie

En visite à Rabat à partir de lundi, Emmanuel Macron va solenniser la réconciliation avec le Maroc après trois ans de fâcherie, au prix d’une nouvelle crise avec l’Algérie.

Le Monde  – Oubliées, les crispations, évanouies, les humeurs glaciales. L’heure est aux chaudes retrouvailles entre la France et le Maroc. Après un cycle de désamour de près de trois ans, de l’été 2021 au printemps 2024, Emmanuel Macron entame, lundi 28 octobre, une visite d’Etat de quarante-huit heures à Rabat, où le roi Mohammed VI lui réservera un accueil à la hauteur de l’embellie.

Les deux chefs d’Etat devraient solenniser avec éclat un « nouveau chapitre » bilatéral, selon les mots de l’Elysée, une « nouvelle ambition pour les trente ans à venir » aux amples visées stratégiques. Le dessein est d’inscrire cette relation franco-marocaine rénovée, à la charnière de l’Europe et de l’Afrique, à l’heure de la « transformation rapide de la scène internationale ».

La visite sera scrutée de très près par l’Algérie voisine, alors qu’une nouvelle brouille s’installe avec la France à la suite du ralliement de celle-ci, en juillet, à la thèse de la « souveraineté marocaine » sur le Sahara occidental. Le Quai d’Orsay a beau déployer bien des efforts pour éviter le « jeu à somme nulle » en Afrique du Nord – réchauffer la relation avec Rabat sans refroidir celle avec Alger –, l’âpreté de l’antagonisme entre les deux capitales maghrébines rend l’équilibrisme de plus en plus périlleux.

Accompagné de plusieurs ministres – Jean-Noël Barrot (affaires étrangères), Sébastien Lecornu (défense), Bruno Retailleau (intérieur), Antoine Armand (économie), Rachida Dati (culture)… – et d’une importante délégation de chefs d’entreprise, le président Macron va s’efforcer de renouer avec Mohammed VI une relation qui avait viré à l’aigre à compter de l’été 2021. L’empilement des contentieux avait alors attisé sans relâche l’acrimonie : scandale de l’espionnage marocain par le biais du logiciel israélien Pegasus ; restrictions drastiques de l’octroi de visas vécues comme « humiliantes » par l’élite marocaine ; soutien des eurodéputés du groupe Renew (que dirigeait alors le macroniste Stéphane Séjourné) à deux résolutions du Parlement de Strasbourg critiquant les pratiques du pouvoir marocain.

Pour couronner le tout, les tentatives appuyées de réconciliation mémorielle du président français avec l’Algérie avaient exaspéré à Rabat. Il en avait résulté un froid polaire congelant une relation naguère célébrée comme « d’exception » : contacts officiels rétrogradés, campagnes de presse fielleuses contre M. Macron, offre d’assistance française snobée lors du séisme dans le Haut-Atlas en septembre 2023. Une crise d’une gravité inédite.

Changement de pied sur le Sahara occidental

Or l’atmosphère s’est allégée depuis l’été. L’éclaircie est venue du changement de pied concédé par la France sur le Sahara occidental, condition mise par le royaume chérifien à tout réchauffement bilatéral. Dans une lettre adressée le 30 juillet au roi, à l’occasion de la fête du Trône, M. Macron reconnaissait la « souveraineté marocaine » sur l’ancienne colonie espagnole, précisant que le plan d’autonomie présenté dès 2007 par Mohammed VI constituait désormais « la seule base » en vue d’une future solution à « négocier ».

Si le geste n’a pas de conséquence juridique – le Sahara occidental demeure voué à l’« autodétermination » au regard du droit international –, jamais Paris n’était allé si loin dans l’adoubement de la thèse marocaine. Rabat, qui y voit le succès de son épreuve de force imposée à Paris, a applaudi. Devant le Parlement à Rabat, le roi Mohammed VI a exprimé, le 11 octobre, ses « plus vifs remerciements » et sa « profonde gratitude à la France et [au] président Emmanuel Macron pour ce soutien franc à la “marocanité” du Sahara ».

Comme il était prévu, le prix à payer pour cet apaisement marocain a été l’ouverture d’une nouvelle crise avec Alger – soutien de la cause des indépendantistes sahraouis –, qui a aussitôt réagi par le « retrait » (mesure plus grave que le « rappel ») de son ambassadeur en poste à Paris et suspendu l’essentiel des contacts officiels. Le raidissement s’est surtout traduit par l’annulation du projet de visite d’Etat à Paris du président algérien, Abdelmadjid Tebboune, envisagée pour l’automne.

Les Français avaient anticipé la réplique. Ils en assument le risque d’autant plus aisément qu’ils estiment que la main tendue ces dernières années par M. Macron – « le président le plus pro-Algérie de la Ve République », dit-on au Quai d’Orsay – n’a jamais été franchement saisie. En voie de « perdre » le Maroc sans espérer pour autant « gagner » l’Algérie, l’Elysée, après une très longue réflexion au fil de l’année 2023, a décidé de redéplacer le curseur de sa diplomatie maghrébine vers le royaume chérifien.

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Source : Le Monde

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