Au Royaume-Uni, des particuliers traquent les objets pillés pour les restituer à l’Ethiopie

Bien que jamais colonisé, le pays a perdu nombre de ses trésors impériaux lors de l’expédition britannique du XIXe siècle. Les objets qui font leur retour en Ethiopie sont essentiellement issus de ventes aux enchères ou d’initiatives privées.

Le Monde – Un clin d’œil de l’histoire. Un bouclier impérial éthiopien du XIXsiècle qui s’apprête à faire son retour à Addis-Abeba a été acquis par Ermias Sahle-Sélassié. Ce citoyen américain, né dans la capitale éthiopienne, n’est autre que le petit-fils du dernier empereur d’Ethiopie, Haïlé Sélassié Ier. « Ce que je ressens est indescriptible », s’enthousiasme le prince Ermias, quelques jours avant le rapatriement du bouclier au Musée national d’Ethiopie, prévu pour la mi-novembre.

Typique de l’Abyssinie du XIXsiècle, l’objet « a très probablement appartenu à l’empereur Tewodros [1855-1868] dans sa jeunesse », précise-t-il. Tewodros II, le « roi des rois », est considéré comme l’unificateur de l’Ethiopie moderne.

Le bouclier en cuir orné de plaques de métal porte une inscription : « Magdala 1868 ». Cette année-là, la reine Victoria avait envoyé une expédition militaire de 13 000 soldats en Abyssinie pour libérer des émissaires anglais pris en otage. Après une victoire expéditive des troupes britanniques, la forteresse de Magdala, qui sert alors de capitale à l’empire éthiopien, est mise à sac et ses trésors emportés en Angleterre puis éparpillés. Tewodros II, lui, se suicidera.

La réapparition du bouclier de l’empereur est en partie due au hasard. Après avoir fait partie des prises de guerre en 1868, il s’est évaporé dans des collections privées en Europe pendant plus de 150 ans jusqu’à sa récente réapparition. « Nous savons qu’il a un moment appartenu à une grande famille de l’aristocratie anglaise », affirme Ermias Sahle-Sélassié. Puis il change de main après la seconde guerre mondiale. En février, les descendants du propriétaire souhaitent s’en débarrasser. Une maison britannique de vente aux enchères, Anderson & Garland, le place sur son catalogue. Les autorités éthiopiennes le repèrent et demandent la restitution du bouclier « acquis illégalement ».

La vente est annulée, « mais la maison de vente aux enchères refusait de le rétrocéder gratuitement », explique Ermias Sahle-Sélassié. L’acheter devient la seule façon de le rapatrier en Ethiopie. « Je me suis porté volontaire », poursuit le petit-fils d’Haïlé Sélassié Ier, qui acquiert l’objet au prix de vente initial : 1 200 livres sterling (quelque 1 400 euros).

La traque des reliques de Magdala

 

Manuscrits médiévaux, couronnes impériales, bijoux, boucliers et croix de l’Eglise orthodoxe… Si les objets de Magdala ont une telle importance aux yeux des Ethiopiens, c’est que leur pays n’a jamais connu un tel pillage au cours de son histoire millénaire. Ceux ayant le plus de valeur – environ 830 objets – ont été accaparés par l’envoyé du British Museum et ramenés à Londres à dos d’éléphants et de mules. Le reste des objets a été distribué entre les soldats. Ces milliers d’objets ramenés sous l’uniforme ressurgissent à intervalles réguliers au Royaume-Uni, au gré de ventes aux enchères ou de découvertes fortuites. Leur dispersion rend leur traque complexe.

« Beaucoup de gens retombent sur des croix, des bracelets, des boucliers par hasard, dans les greniers, au milieu des bibelots de leurs grands-parents, lors de successions familiales », affirme Andrew Heavens, auteur du livre The Prince and the Plunder (The History Press Ltd, 2023). Fiona Wilson en sait quelque chose. Cette professeure britannique à la retraite a fait sensation en 2004 en restituant à l’Ethiopie un bouclier impérial de Magdala que ses aïeuls détenaient depuis les années 1890.

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Source : Le Monde

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