L’UA et la CEDEAO face au racisme en Mauritanie : un silence complice

La Nouvelle Tribune – La Mauritanie, pays situé à la charnière entre l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne, est le théâtre d’une crise silencieuse qui perdure depuis trop longtemps. Le racisme systémique et la discrimination envers les Mauritaniens noirs sont des réalités quotidiennes qui gangrènent la société, sans que les instances régionales et continentales ne semblent s’en émouvoir.

Pendant ce temps, l’Union Africaine (UA) et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) restent étrangement silencieuses, malgré leur mandat de promotion des droits humains et de l’intégration régionale.

Un héritage colonial persistant

Les révélations récentes du député Khaly Diallo à l’Assemblée nationale mauritanienne sont un cri d’alarme que nous ne pouvons plus ignorer. Les chiffres qu’il avance sont accablants : sur 15 gouverneurs, seuls trois sont noirs ; parmi 63 préfets, on ne compte que trois Noirs ; et sur 238 secrétaires généraux de communes, seulement 5 sont noirs. Cette sous-représentation flagrante dans l’administration publique n’est que la partie visible d’un iceberg de discrimination institutionnalisée.

Le problème ne se limite pas à la sphère politique. L’accès à l’éducation, aux opportunités économiques et à la justice reste un parcours du combattant pour une grande partie de la population noire mauritanienne.

Plus inquiétant encore, des cas d’esclavage moderne persistent dans certaines régions reculées du pays, malgré son abolition officielle en 1981. Cette situation trouve ses racines dans l’histoire coloniale et post-coloniale du pays. La Mauritanie, comme de nombreux pays africains, a hérité d’une structure sociale hiérarchisée basée sur la couleur de peau, où les populations arabes-berbères ont longtemps dominé les communautés noires. Malgré les efforts de certains dirigeants pour promouvoir l’unité nationale, ces divisions persistent et se sont même renforcées dans certains cas.

Un problème régional ignoré

Cette situation n’est malheureusement pas unique à la Mauritanie. Dans tout le Maghreb, les communautés noires font face à des défis similaires, bien que souvent moins médiatisés. Du Maroc à la Libye, en passant par l’Algérie et la Tunisie, les personnes à la peau noire sont fréquemment victimes de discriminations, allant des micro-agressions quotidiennes à des violences physiques. En Libye, par exemple, la situation des migrants subsahariens est particulièrement alarmante, avec des rapports faisant état de marchés aux esclaves. Au Maroc, malgré des efforts récents pour régulariser la situation des migrants subsahariens, la discrimination reste une réalité quotidienne. En Algérie, les expulsions massives de migrants subsahariens ont suscité l’indignation de la communauté internationale.

Face à ces injustices criantes, le silence de l‘Union Africaine (UA) et de la CEDEAO est assourdissant. Ces organisations, censées promouvoir l’unité, la solidarité et l’intégration entre les pays africains, semblent fermer les yeux sur les violations flagrantes des droits humains qui se déroulent en Mauritanie et ailleurs dans la région. Où sont les condamnations ? Où sont les appels à l’action ? Où sont les sanctions contre les gouvernements qui permettent à de telles pratiques de perdurer ?

Un appel à l’action et à la responsabilité

 

Il est temps que l’UA et la CEDEAO prennent leurs responsabilités et usent de leur influence pour exiger des réformes concrètes. Des mécanismes de surveillance et de sanction doivent être mis en place pour garantir que tous les pays membres respectent les principes fondamentaux de non-discrimination et d’égalité des chances. L’UA pourrait, par exemple, créer une commission spéciale chargée d’enquêter sur les allégations de discrimination raciale et d’esclavage moderne en Mauritanie et dans d’autres pays membres. La CEDEAO, quant à elle, pourrait conditionner certains avantages économiques à des progrès mesurables en matière de droits humains et d’inclusion des minorités.

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Charly Hessoun

 

 

 

 

Source : La Nouvelle Tribune – (Le 15 septembre 2024)

 

 

 

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