Récompensé par l’Ours d’or à la dernière Berlinale, le film retrace l’épopée du retour vers leur terre d’origine de ces œuvres pillées par la France pendant la colonisation. Les véritables pièces, elles, sont aujourd’hui invisibles. Près de trois ans après leur restitution en grande pompe à l’Etat béninois, elles sommeillent dans une réserve du palais présidentiel de la Marina, à Cotonou.
– Pour admirer les vingt-six trésors royaux remis par la France au Bénin en novembre 2021, il faut se rendre dans les salles obscures françaises où vient de sortir le documentaire de la réalisatrice Mati Diop Dahomey.C’est dans cette enceinte qu’ont été dévoilés pour la première fois aux Béninois ces trophées, ravis à la fin du XIXe siècle par les troupes du général Alfred Dodds lors de la prise d’Abomey, capitale du royaume du Dahomey. Un événement aux allures de triomphe populaire. Entre février et août 2022, quelque deux cent trente mille personnes se sont pressées dans la salle des fêtes de la résidence du président Patrice Talon, reconvertie pour l’occasion en musée.
Les visiteurs ont pu découvrir les trônes, les statues et les récades (sceptres royaux) en même temps qu’une série d’œuvres d’artistes contemporains béninois. « Un moment de communion nationale, de fierté », se souvient José Pliya, conseiller du chef de l’Etat pour les arts et la culture. « L’accueil et l’intérêt du public ont largement dépassé nos attentes », renchérit Alain Godonou, chargé de mission sur le patrimoine et les musées pour le président.
Un chantier compliqué
Ceux qui ont raté l’occasion devront en revanche s’armer de patience avant de pouvoir contempler les pièces restituées. La partie contemporaine de l’exposition est, elle, partie au Maroc, puis en Martinique. Elle arrivera en novembre à la Conciergerie, à Paris. Les trésors royaux, eux, ont été précautionneusement sortis des vitrines et remis en caisse, en attendant leur destination finale : Abomey, à 130 kilomètres au nord de Cotonou. Leur futur écrin, le Musée de l’épopée des Amazones et des rois du Danhomè, aurait initialement dû voir le jour en 2025. Mais les travaux n’ont toujours pas démarré.
Ces retards tiennent en partie aux contraintes qu’implique un chantier conduit au sein d’une zone inscrite au Patrimoine mondial de l’Unesco. Sur plus de 40 hectares, dix palais cernés de cours et de murailles de pisé ont été édifiés entre 1625 et 1900. Si certains se visitent encore, beaucoup ont durement souffert du passage du temps et des vicissitudes de l’histoire. Leur rénovation doit aller de pair avec l’érection du futur musée en plein cœur du site palatial, dans la cour des amazones, les anciennes guerrières du royaume.
« Les plans de l’architecte [franco-camerounaise Françoise N’Thépé] ont été validés, l’appel d’offres a été lancé et des entreprises sont présélectionnées », assure Alain Godonou. Dans le même temps, ajoute-t-il, un travail est déjà bien entamé pour réhabiliter les palais existants, former des personnels et créer de nouveaux contenus pédagogiques.
Calendrier « flou » et climat « tendu »
Pourtant, des acteurs de ce projet financé notamment par la France s’inquiètent en coulisses d’un calendrier très « flou » et d’un climat « tendu » entre, d’un côté, une valse des directeurs chargés du dossier et, de l’autre, l’interventionnisme de Patrice Talon, qui contrôle et corrige le plus petit détail, quitte à remettre cent fois l’ouvrage sur le métier. « Pour lui, le plus important n’est pas de couper le ruban au plus vite, défend José Pliya. Il est très perfectionniste, avec une vision extrêmement précise de ce qu’il souhaite. »
– (Le 11 septembre 2024)