Au Sahel, les rebelles du nord se liguent contre les putschistes du sud

La création de l’Alliance des Etats du Sahel fin 2023 a poussé des groupes rebelles au Mali et au Niger à se lier par un « pacte d’assistance mutuelle ». Ils se sont retrouvés fin août dans la localité malienne de Tin Zaouatine pour peaufiner cette alliance.

Le Monde – Face à l’Alliance des Etats du Sahel (AES), formée par les juntes au pouvoir au Burkina Faso, au Mali et au Niger, les groupes rebelles actifs dans les confins nord des deux derniers pays se cherchent une union.

Du 25 au 29 août, les rebelles maliens du Cadre stratégique pour la paix et la défense du peuple de l’Azawad (CSP-PDA), en guerre contre le régime du colonel Assimi Goïta, ont rencontré des émissaires du Front patriotique de libération (FPL), un groupe créé au lendemain du coup d’Etat du général Abdourahamane Tiani au Niger, en juillet 2023, pour réclamer la libération de Mohamed Bazoum, président déchu et toujours détenu par les putschistes qui l’ont renversé.

Ensemble, les deux groupes rebelles ont échangé sur la « nécessité de la signature d’un pacte d’assistance mutuelle en cas d’agression des Etats de l’AES », a indiqué le FPL dans un communiqué publié le 31 août. L’Alliance des Etats du Sahel est un pacte de défense créé en septembre 2023 par les trois juntes sahéliennes pour se porter assistance « en cas d’atteinte à la souveraineté et à l’intégrité du territoire » d’un de ses membres.

Pour les contrer, les groupes rebelles nigériens et maliens se sont rapprochés. Leur rencontre, fin août, s’est tenue dans une localité devenue le symbole de la lutte des rebelles maliens, majoritairement touaregs et arabes, contre la junte : Tin Zaouatine. Dans cette bourgade située à l’extrême nord du Mali, le long de la frontière algérienne, 47 soldats maliens et 84 mercenaires du groupe russe Wagner, allié de Bamako, avaient été tués fin juillet lors d’affrontements avec le CSP.

Depuis l’arrivée au pouvoir de la junte du colonel Assimi Goïta à Bamako, en 2020, la paix fragile instaurée par l’accord d’Alger en 2015 a laissé place à une reprise des hostilités. En août 2023, l’armée a lancé une vaste opération de reconquête du nord du pays. Apogée de multiples batailles ayant fait des centaines de morts, les soldats maliens et Wagner ont repris en novembre de cette année Kidal, bastion des rébellions indépendantistes touaregs ayant agité le Mali depuis son indépendance, en 1960.

Lors de cette offensive de Bamako, « les régimes putschistes du Burkina Faso et du Niger ont aidé la junte malienne à nous combattre et à massacrer les populations civiles, explique Mohamed Elmaouloud Ramadane, porte-parole du CSP. Cela nous a poussés, nous aussi, à étendre nos alliances jusqu’au Niger. » Ainsi, des drones burkinabés ont pilonné à plusieurs reprises des positions tenues par les rebelles maliens, comme fin août, à Tin Zaouatine. Vingt et un civils, dont onze enfants, ont été tués dans cette opération aérienne, selon le CSP. Les militaires nigériens ont pour leur part fourni à leurs alliés maliens un renfort logistique, notamment lors de la bataille de Tessalit, mi-octobre 2023.

« Partage de renseignements et de moyens militaires »

Mais contrairement au colonel Assimi Goïta, le général Abdourahamane Tiani tente de ménager les ex-rebelles majoritairement touaregs du Niger, avec lesquels un accord paix a été signé en 2009. Ainsi, une source diplomatique occidentale au Sahel rapporte qu’à la veille de la bataille de Tin Zaouatine, « des émissaires du régime malien sont venus réclamer un soutien de l’armée nigérienne mais Niamey a refusé pour ne pas se mettre la communauté touareg à dos ». En novembre 2023, le régime du général Tiani s’était déjà assuré du soutien d’une partie de cette dernière en abrogeant une loi de 2015 réprimant le trafic illicite de migrants, qui profitait largement aux populations du nord et aux ex-rebelles touaregs dans la région d’Agadez.

Pour l’heure, l’essentiel des actions rebelles menées au Niger est l’œuvre du FPL et reste surtout symbolique. Ce groupe a été créé en août 2023 par Mahamoud Sallah, un Toubou originaire de l’est du Niger ayant brièvement dirigé un autre groupe rebelle en 2020, avant d’accepter la main tendue par le président Mohamed Bazoum, un an plus tard.

Le 16 juin, le FPL a saboté un tronçon du pipeline chargé d’acheminer le pétrole nigérien au Bénin voisin, sans entraîner de morts. Un mois plus tôt, le FPL avait attaqué un convoi de l’armée nigérienne à Siguidine, dans la région d’Agadez, là encore sans causer de pertes en vies humaines. Dans cette même zone, huit militaires avaient toutefois été blessés, en février, lors d’une embuscade tendue par ce groupe qui revendique entre 300 et 400 combattants.

« Pour l’instant, nous n’avons malheureusement pas les capacités militaires suffisantes pour rivaliser avec l’AES », admet un cadre du FPL. Les trois régimes putschistes bénéficient en effet du soutien militaire de la Russie, qui leur livre des armes, des aéronefs et déploie sur leur sol des paramilitaires. Selon la même source, la rencontre avec le CSP, fin août à Tin Zaouatine, est avant tout un « coup de communication politique » visant à jeter les bases d’une future « alliance tactique » centrée sur « le partage de renseignements et de moyens militaires ».

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Source : Le Monde

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