Courrier international – La guerre des mots s’amplifie entre Bamako et Alger après que le représentant algérien auprès de l’ONU a dénoncé l’utilisation de drones par l’armée malienne dans le nord du pays, en proie à un retour de l’insurrection touareg. Mais, pour “Le Pays”, la querelle a des raisons profondes et anciennes, dont les racines se trouvent dans cette région limitrophe aux deux pays, lesquels s’accusent réciproquement d’alimenter les tensions.
Le Mali et l’Algérie exportent leur mésintelligence au Conseil de sécurité de l’ONU. C’est le moins que l’on puisse dire au regard de ce qui s’est passé le 30 août dernier, à New York.
En effet, au cours d’une réunion sur la fourniture des armes par les pays occidentaux, les ambassadeurs des deux pays voisins se sont offerts en spectacle à travers une passe d’armes. Tout est parti des accusations d’Alger selon lesquelles un drone malien a tué une vingtaine de civils dans le Nord-Mali.
“Accusation aussi grave qu’infondée”, a répondu Bamako qui reproche à son voisin de colporter “à la légère des informations de presse non vérifiées”.
De quoi jeter de nouveau un froid glacial sur les relations entre les deux voisins, déjà mal en point depuis la mise à mort par Bamako [en janvier 2024] de l’accord de paix d’Alger, signé [en 2015] entre le Mali et les rebelles.
Et ce n’est pas tout. Le fossé s’est davantage creusé entre les deux capitales depuis qu’Alger a accepté d’offrir le gîte et le couvert aux rebelles [touaregs] chassés de Kidal à la fin de 2023. À cela s’ajoute l’exil doré accordé à l’imam Mahamoud Dicko, présenté comme le poil à gratter du président Assimi Goïta et de ses frères d’armes, qu’il n’a eu de cesse de clouer au pilori. [Leader politico-religieux, très influent au Mali, l’imam Dicko a servi de médiateur entre le gouvernement malien et les groupes djihadistes dans le nord du pays, ce qui lui a valu des accusations par la junte au pouvoir de soutenir ces groupes. Il est actuellement en exil à Alger.]
Cela dit, comment donc restaurer la confiance entre l’Algérie et le Mali ? Difficile de répondre à cette question dans la mesure où, pour Bamako, Alger ne joue pas franc-jeu.
Nécessaire et inévitable coopération
Or, au regard du contexte régional, il est dans l’intérêt des deux voisins de travailler à se donner la main au risque de jouer le jeu des terroristes, qui se moquent des frontières.
Car, on ne le dira jamais assez, la lutte contre le terrorisme, pour être efficace, doit se mener dans la mutualisation des efforts, notamment à travers le partage de renseignements et des opérations conjointes. Inutile donc de dire que s’ils ne se blairent pas, Alger et Bamako ne pourront pas collaborer en vue de porter l’estocade aux groupes armés terroristes qui continuent de semer la mort et la désolation sur leur chemin.
Surtout que, dans le même temps, on sait aussi que les relations entre le Mali et certains de ses voisins, en l’occurrence la Côte d’Ivoire et la Mauritanie, ne sont pas au beau fixe.
C’est dire qu’à l’allure où vont les choses, ce ne serait pas demain la veille la fin du terrorisme. À moins que prenant toute la mesure du péril, les uns et les autres acceptent de descendre de leur piédestal en vue d’une collaboration franche, sincère et durable.
Peut-être faudrait-il que l’Union africaine (UA) et les Nations unies, s’il y a lieu, s’impliquent davantage afin d’aplanir les divergences de vues qui opposent le Mali et ses voisins. Ce n’est pas trop demandé, tant il y va de l’intérêt supérieur du peuple malien, qui a longtemps souffert le martyre.
En tout cas, quand on suit de très près l’évolution de la situation, on a parfois envie de dire que Bamako tire un peu sur la corde. Pour autant, on ne saurait absoudre aussi l’Algérie, qui, il faut le dire, joue au clair-obscur quand elle ne donne pas la fâcheuse impression de vouloir faire chanter son voisin.
Source : Courrier international – (France)
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