Au 80ᵉ anniversaire du débarquement de Provence, le casse-tête mémoriel africain d’Emmanuel Macron

Le recul de l’influence de la France en Afrique se traduit dans la représentation des Etats du continent aux commémorations de l’opération « Dragoon », qui ouvrit le 15 août 1944 le front méridional avec le concours massif de soldats des colonies.

Le Monde – Comment commémorer un pan de l’histoire commune de la France et de l’Afrique alors que souffle un vent de contestation de la politique de Paris sur le continent ? Tel est le dilemme auquel le président français, Emmanuel Macron, a été confronté à l’occasion des cérémonies du débarquement de Provence prévues jeudi 15 août à Boulouris et au large de Toulon (Var).

Pour célébrer le 80e anniversaire de cette opération baptisée « Dragoon », deuxième acte qui, après le débarquement de Normandie du 6 juin 1944, a permis la libération de la France, l’Elysée a voulu afficher une « participation africaine de très haut niveau ». La majorité des quelque 250 000 soldats de cette « armée B », dirigée par le maréchal de Lattre de Tassigny (devenue « la première armée »), était issue des colonies.

Mercredi, les autorités françaises annonçaient la participation de cinq chefs d’Etat africains : Paul Biya, du Cameroun, Azali Assoumani, des Comores, Faure Gnassingbé, du Togo, Faustin-Archange Touadéra, de la République centrafricaine et le général Brice Oligui Nguema, président de la transition gabonaise. La Côte d’Ivoire, Djibouti, la Guinée, Magadascar, le Sénégal et la Tunisie devraient quant à eux être représentés au niveau ministériel.

Si la plupart des pays d’Afrique francophone seront présents lors de cette commémoration où il est d’usage, pour le président français, de mettre à l’honneur la contribution des tirailleurs africains à la libération du joug nazi de l’Hexagone, le niveau de leur participation reste toutefois en deçà de celui affiché à l’occasion du 70e anniversaire. Le 15 août 2014, douze présidents africains avaient fait le déplacement aux côtés de François Hollande et 19 Etats au total étaient représentés.

Reprendre la main

Mais, depuis lors, dans nombre de pays de l’ancien pré carré français, son successeur, M. Macron, a été confronté à une puissante vague souverainiste, attisée par la montée de la contestation vis-à-vis de la politique africaine de la France. L’engagement du locataire de l’Elysée en faveur des questions mémorielles, un des principaux axes de sa politique africaine dès son premier mandat, en souffre. Sur le continent, les chefs d’Etat osent désormais montrer qu’ils reprennent la main face à l’ancien colonisateur.

M. Macron pourra toutefois compter sur la présence de l’un des plus vieux alliés de la France en Afrique. Doyen des chefs d’Etat invités, le président camerounais Paul Biya, 91 ans dont quarante et un au pouvoir, doit prononcer jeudi, dans la matinée, un discours depuis la nécropole de Boulouris, où reposent les corps de 464 soldats tués lors la libération de la France depuis les côtes provençales. M. Macron et ses homologues se doivent se rendre ensuite à Toulon où ils pourront assister, depuis le porte-hélicoptères amphibie Dixmude, à une évocation du débarquement sur les plages du Mourillon.

Le premier ministre marocain, Aziz Akhannouch, fera aussi le déplacement. Après deux ans de froid polaire, les relations franco-marocaines sont à nouveau au beau fixe depuis l’annonce faites par Paris, fin juillet, d’un renforcement du soutien français au plan d’autonomie marocain pour le Sahara occidental, territoire revendiqué depuis un demi-siècle par les indépendantistes sahraouis du Front Polisario et source de conflit avec l’Algérie voisine.

« Evénement mémoriel et non politique »

Conséquence de cette prise de position de la France en faveur de son rival, Alger avait annoncé dans la foulée le « retrait » de son ambassadeur en France, le remplaçant par un simple chargé d’affaires. Sans surprise, les autorités algériennes n’ont pas répondu à l’invitation lancée par Emmanuel Macron pour se rendre à Boulouris le 15 août, selon une source diplomatique française. Tout comme les autorités putschistes au pouvoir au Mali, au Burkina Faso et au Niger. Selon cette même source, les trois régimes militaires, artisans après leur coup d’Etat de l’éviction des soldats et des diplomates français de leur territoire, ont été conviés par l’Elysée à participer au 80e anniversaire du débarquement.

« Nous avons invité tous les pays d’Afrique francophone, sans discrimination. C’est un événement mémoriel et non politique », insiste le même diplomate. Force est toutefois de constater que les tensions diplomatiques en cours ont eu raison de leur participation à haut niveau. Le symbole est fâcheux alors que les peuples de cette région du Sahel, à l’instar des « Français musulmans » de l’Algérie française d’alors, figuraient parmi les principaux pourvoyeurs de tirailleurs lors du débarquement de Provence.

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Source : Le Monde

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