Athlétisme aux JO 2024 : Hugues Fabrice Zango, le triple saut pour entrer dans l’histoire du Burkina Faso

Le champion du monde, également doctorant en génie électrique, espère décrocher la première médaille d’or de son pays, vendredi, au Stade de France.

Le Monde – « Quand il s’agit de défendre les couleurs du pays, on ne lésine pas, on ne négocie pas, on ne caracole pas ! », a écrit Hugues Fabrice Zango sur Facebook, le 6 août. Après s’être facilement qualifié pour la finale du concours de triple saut des Jeux de Paris, qu’il dispute vendredi 9 août au stade de France, l’athlète de 30 ans rêve maintenant de la médaille d’or. S’il y parvient, il offrirait au Burkina Faso, un premier titre olympique et au continent africain, une première victoire dans cette discipline.

Hugues Fabrice Zango est un insatiable. Il est déjà entré dans l’histoire en décrochant le bronze aux JO de Tokyo, la première – et aujourd’hui la seule – médaille olympique de son pays. Depuis 2015, le Burkina traverse une crise importante : des attaques djihadistes et des violences intercommunautaires ont fait près de 20 000 morts et deux millions de déplacés. « Gagner l’or à Paris changerait beaucoup de choses pour moi et ma patrie, disait-il au Monde en février. Le sport est un moyen de soft power et mon pays a besoin de réussites, de personnalités fortes capables de ramener des capitaux et développer certains secteurs, comme le sport. »

Hugues Fabrice Zango, qui s’est déjà investi dans la Fédération burkinabée d’athlétisme, a de l’ambition à revendre et un mental hors du commun : « A Tokyo, je pouvais déjà rêver d’or. Mon problème, c’est que je ne savais pas gagner… Il y a des athlètes qui seront toujours deuxièmes. Quand ils rencontrent le champion en titre, ils perdent leurs moyens et le leader prend l’ascendant. Savoir gagner, c’est se mettre dans un état psychologique qui permet de franchir un cap. » Entrevoir la victoire provoquerait parfois une angoisse qu’il ne ressent plus. « Parce qu’on ne sait pas ce qu’il y a derrière un titre, on refuse parfois de gagner, lâche-t-il. Mais une fois qu’on y a goûté, qu’on sait ce qu’il y a derrière, ça rassure… J’ai franchi ce palier en devenant champion du monde : je n’ai plus peur. »

Un « flop total » aux Jeux de Rio

 

Le 21 août 2023 à Budapest, il réalise un bond à 17,64 m lors de son cinquième essai. Il s’impose mais la manière ne le satisfait pas. « Je recherche l’excellence en permanence, c’est comme une quête personnelle », concède-t-il. A l’école, Hugues Fabrice Zango était toujours premier de sa classe et brillait aussi en éducation physique grâce à sa vitesse. Par hasard lors d’une compétition interscolaire, il s’essaie au triple saut. Un entraîneur de la fédération le repère et lui propose d’intégrer son club. « Je n’y voyais pas vraiment d’intérêt à part le fait de pouvoir me défouler, raconte-t-il. Mais le coach a dit que j’aurais la possibilité de voyager pour les compétitions. C’est ce qui m’a retenu. »

Il progresse vite et « à force de gratter 20 ou 30 centimètres par compétition » il devient champion du Burkina Faso. A l’été 2011, il regarde les championnats du monde de Daegu (Corée du Sud) à la télévision et c’est le déclic. Lui, « le passionné de sciences » veut comprendre « comment on fait pour courir le plus vite possible » vers la planche d’appel et sauter loin… très loin. « J’ai commencé à faire des recherches sur les records du monde, les records d’Afrique, se souvient-il. J’ai aussi lu plein de biographies de grands champions afin d’augmenter ma culture de l’athlétisme. »

Comme il n’y a pas Internet chez lui, il va au cybercafé de son quartier pour télécharger des sauts sur une clé USB et les analyser : « Avec mon frère Cédric, on essayait ensuite de reproduire ce qu’on voyait dans la cour de la maison. Tout le monde nous prenait pour des fous… Je réfléchissais à de nouvelles techniques en permanence. Un jour, j’ai lu qu’il fallait 10 000 heures d’entraînement pour devenir un athlète de haut niveau. J’ai fait un calcul et compris que je ne serai pas prêt pour les JO de 2012. » Il manque le rendez-vous de Londres, mais pas celui de Rio, en 2016. « Ce fut un flop total !, s’amuse-t-il aujourd’hui. En terminant 34e sur 39, j’ai mesuré ma marge de progression et ma motivation a été décuplée. »

« Univers d’équations mathématiques »

 

Parallèlement à sa carrière d’athlète, Hugues Fabrice Zango poursuit son cursus scientifique. Après une licence en génie électrique au Burkina, il enchaîne deux masters à Béthune (Pas-de-Calais) et termine major de ses deux promotions. En plus de ses entraînements au club d’athlétisme de l’Artois et de ses compétitions, il se lance en 2015 dans l’écriture d’une thèse : « Machine électrique performante à rotor externe pour application en environnement sévère ».

« J’étudiais chaque jour des équations mathématiques pour faire des calculs numériques à l’ordinateur et des simulations sur une machine, explique-t-il. J’aime compiler des données et faire des statistiques. » Le prototype sur lequel il travaille doit permettre de concevoir pour Techmi, une société spécialisée dans les équipements de manutention, un moteur de tapis roulants destiné à fonctionner dans les mines. Il devient ensuite docteur en génie électrique. C’est plongé dans cet « univers d’équations mathématiques » qu’Hugues Fabrice Zango trouve son équilibre. « Il a toujours une approche cartésienne des choses, explique Leon Rodrigue Gouba, son ami d’enfance. Il ne laisse rien au hasard et anticipe tout. Il a même planifié toute sa vie sur les dix prochaines années. »

Lire la suite

  (Nice, envoyé spécial)

Source : Le Monde

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page