En Inde, les noces de la puissance ­économique et du luxe ostentatoire

Le magnat Mukesh Ambani a organisé un mariage tout en démesure pour son fils Anant. L’occasion de s’offrir un coup de com’ planétaire, mais aussi de s’attirer de vives critiques dans ce pays traversé d’inégalités.

M Le Mag – Clap de fin pour le mariage du siècle. Les Indiens, dont les fils Instagram et les écrans de télévision ont été inondés des mois durant – jusqu’à saturation –, vont enfin pouvoir passer à autre chose. Pendant plus de cent trente-quatre jours, l’union d’Anant Ambani et de Radhika Merchant, tous deux âgés de 29 ans, a défrayé la chronique. Le fils cadet de Mukesh Ambani, l’homme le plus riche d’Asie, à la tête du conglomérat Reliance Industries, a épousé, le 12 juillet, la fille d’un autre milliardaire indien, Viren Merchant, PDG du groupe pharmaceutique Encore Healthcare. Une dernière réception, organisée à Bombay, a ­clôturé, dimanche 14 juillet, des mois de festivités.

 

Les Ambani ont fait de ces noces une opération de communication hors norme, étalage ostentatoire de leur fortune immense et de leur influence planétaire. La future mariée s’est épanchée sur l’histoire d’amour de son couple dans les pages du magazine Vogue. L’héritier a embarqué « en exclusivité » une chaîne de télévision dans son sanctuaire pour animaux, la famille s’est affichée distribuant de la nourriture à des villageois. « L’homme le plus riche d’Asie organise un mariage et le monde n’a pas d’autre choix que de regarder », résume l’historien Anirudh Kanisetti dans The Print, un site d’information indien.

Les célébrations ont débuté dès mars à Jamnagar, ville ­d’origine de la famille située dans le Gujarat, avant de prendre le large pour une croisière en Italie, où les frasques des milliardaires n’ont pas manqué d’excéder la population locale. Rihanna, Justin Bieber, les Backstreet Boys ou encore Katy Perry, se sont produits devant les invités. Des personnalités telles que Mark Zuckerberg, Bill Gates, les anciens premiers ministres britanniques Tony Blair et Boris Johnson ou encore les demi-dieux de Bollywood Amitabh Bachchan et Shah Rukh Khan, et même les sœurs Kardashian (Kim et Khloé), figuraient sur la liste des invités. Le premier ministre indien s’est lui aussi affiché aux côtés des Ambani, samedi 13 juillet : des images diffusées par des chaînes locales ont montré Narendra Modi avec Mukesh Ambani, proche du pouvoir, venu offrir sa ­bénédiction aux jeunes mariés.

Fortune et notoriété décuplées

 

Les Ambani incarnent le poids économique du Sud asiatique et de ses nouveaux capitalistes, en rupture avec la tradition socialiste du pays. Mukesh Ambani a hérité de son père une entreprise industrielle florissante dans le pétrole, le gaz et la pétrochimie. Redoutable homme d’affaires, il s’est ensuite diversifié dans les télécoms au détriment de son frère, Anil, dont il n’a pas hésité à provoquer la ruine. Il a défié les géants américains du commerce Amazon et Walmart, profitant de politiques qui l’ont largement favorisé. Au cours de la dernière décennie, sa fortune et sa notoriété ont été décuplées. Symbole de sa richesse, celui qui incarne la nouvelle royauté indienne s’est offert un gratte-ciel de vingt-sept étages à Bombay, dont la construction aurait coûté plus de 1 milliard de dollars (919 millions d’euros).

Les Indiens sont coutumiers des mariages grandioses. Les fiançailles de la fille du géant de l’acier Lakshmi Mittal s’étaient déroulées à Versailles, en 2004. Même les familles modestes dépensent pour l’occasion jusqu’à six fois leur revenu annuel. Mais l’union d’Anant Ambani et Radhika Merchant pourrait battre des records. La presse indienne estime que la famille a déboursé entre 138 millions et 294 millions d’euros. Une bagatelle au regard de la fortune de Mukesh Ambani, estimée à 113 milliards d’euros par Forbes. « Ce mariage est un symbole : il utilise le langage du pouvoir et de l’ostentation. La royauté indienne, les riches d’Asie des siècles passés l’auraient parfaitement compris », note l’historien Anirudh Kanisetti.

Cet exercice arrive à point nommé, les héritiers de Mukesh Ambani – Akash, sa sœur jumelle, Isha, et Anant, se préparent à lui ­succéder en 2028. Anant Ambani, qui chapeaute l’activité énergie renouvelable du groupe, fera désormais partie de l’imaginaire collectif. « C’est un message envoyé au monde, pour dire que les Ambani ont réussi et qu’ils sont les nouveaux maharajas de l’Inde », juge Kavil Ramachandran, professeur à l’Indian School of Business à Hyderabad.

« Un gros et gras mariage indien »

Dans un pays miné par des inégalités criantes, ce spectacle fait grincer des dents. « C’est peut-être leur argent, mais de telles dépenses ostentatoires sont un péché contre la Terre et contre les pauvres », a estimé un membre du Parti communiste indien, Thomas Isaac, allant jusqu’à qualifier le mariage d’« obscène ». « Je doute que, dans les campagnes indiennes, on voit ce “Big Fat Indian Wedding” [“ce gros et gras mariage indien”] comme un accomplissement national », a lancé Palagummi Sainath, spécialiste de l’Inde rurale. « Il peut y avoir de la danse dans certains ­studios de télévision et de la prose haletante dans la presse. Ce qui ressort, c’est l’absence d’un iota d’embarras chez les hôtes du mariage et leurs invités célèbres (…) – seulement l’arrogance de l’excès », regrette-t-il, rappelant que Mukesh Ambani détient nombre de médias et qu’il est un annonceur majeur.

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 (New Delhi, correspondance)

 

 

 

 

Source : M Le Mag

 

 

 

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