Depuis quand le clivage politique gauche-droite existe-t-il en France ?

Depuis que la Révolution française a profondément modifié l'échiquier politique dans le pays.

Slate  – Alors que nous sommes à la mi-temps des élections législatives anticipées, le débat politique bat son plein en France, à moins d’une semaine du second tour, les 6 et 7 juillet. L’occasion de revenir sur un évènement fondateur de l’histoire politique française: le moment où la droite et la gauche sont nées. Une naissance qui s’est faite dans l’opposition et l’affrontement.

Pour comprendre, il faut revenir quelque peu en arrière, jusqu’à la Révolution française. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 est en effet loin d’être le seul héritage de ce tournant historique: il a aussi été le point de départ du clivage politique gauche-droite que nous connaissons encore aujourd’hui.

Les états généraux, Mirabeau et Malouët

Juste avant la Révolution, la France traverse une période de troubles majeurs, explique Aurélien Dubuisson, chercheur associé au Centre d’histoire de Sciences Po et coauteur de L’extrême gauche en France (2019). «La France est lourdement endettée, principalement pour deux raisons. D’une part, elle mène une guerre contre l’Angleterre qui vide les caisses de l’État. En parallèle, la décennie 1780 se caractérise par de mauvaises récoltes qui atteignent probablement leur point d’orgue en 1788 où le niveau très bas de la pluviométrie en été, auquel s’ajoute un orage dévastateur le 13 juillet, entraîne une très forte baisse de rendement des terres.» L’État emprunte sans compter et des émeutes éclatent.

Alors que le pays est au bord du gouffre, les états généraux, une assemblée extraordinaire réunie en cas de crise, sont convoqués le 5 mai 1789. L’assemblée réunit alors les députés des trois ordres: le clergé, la noblesse et le tiers état. Problème: les députés du tiers état se retrouvent quasiment en nombre égal aux représentants des deux ordres privilégiés. Une situation qui entraîne en un rien de temps un désaccord vis-à-vis des modalités de vote. «Tandis que le clergé et la noblesse souhaitent un vote par ordre, le tiers état, lui, veut un vote par tête, évidemment

La tension monte des deux côtés. Faute d’accord, les deux propositions sont soumises au vote le 8 mai 1789. «Dans la salle où se déroule le vote, le comte de Mirabeau, partisan d’un vote par tête, se place à gauche. Pierre-Victor Malouët, favorable au vote par ordre, est situé à droite. Chacun des députés est appelé à voter en se rangeant derrière l’un ou l’autre», raconte Aurélien Dubuisson. La salle se divise alors en deux face au président de l’assemblée. «C’est ainsi qu’est apparue la division spatiale de l’échiquier politique français.»

Révolution et échiquier politique

Finalement, ceux qui restent à sa gauche, favorables au vote par tête, l’emportent par 673 voix contre 325 (et 11 abstentions). Une victoire facilitée par le manque de cohésion interne au sein des ordres du clergé et de la noblesse, ajoute le chercheur. «Désormais, il est décidé que cette assemblée se réunisse dans la salle du Jeu de paume, lieu où sera scellé le fameux serment du même nom, où tous les députés promettent de ne pas se quitter tant qu’une Constitution ne sera pas rédigée, le 20 juin 1789.»

Le jour même, le député Bailly prononcera ces mots qui resteront gravés dans l’histoire: «Faisons le serment ici et maintenant de ne jamais nous séparer et de nous rassembler partout où les circonstances l’exigent jusqu’à ce que nous ayons donné à la France une Constitution.» C’est l’acte de naissance de notre Assemblée nationale.

«En bref, on pourrait donc dire que le positionnement vis-à-vis de la Révolution française définit la position de chacun sur l’échiquier politique», conclut Aurélien Dubuisson. Un placement qui s’installera dans le temps, notamment au moment où un hémicycle est adopté pour recevoir les députés.

Une classification toujours d’actualité?

On voit alors rapidement apparaître une certaine organisation de l’Assemblée nationale qui a, encore aujourd’hui, laissé des traces. Au plus haut de la droite et de la gauche s’installent progressivement les députés les plus virulents. Sur les travées supérieures gauches, aux côtés de Maximilien De Robespierre, ce sont par exemple ceux que l’on nomme les «Montagnards». Au centre, on retrouve les députés volatiles, qui voteront parfois avec la droite, parfois avec la gauche. À l’extrême droite se tenaient les aristocrates et les représentants du clergé, défenseurs de la monarchie et des privilèges.

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Ernest Ginot — Édité par Émile Vaizand

 

 

 

 

Source : Slate (France)

 

 

 

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