Reportage – La “rue des gâteaux” à Ouagadougou, une recette contre la pauvreté des femmes

Dans le quartier trépidant de Dapoya, dans la capitale du Burkina Faso, se cache une rue connue des gourmands, la “rue des gâteaux”. “Studio Yafa” est allé à la rencontre des femmes du quartier, qui ont fait de la pâtisserie une lucrative activité.

Courrier international – Sur des tables, des gâteaux emballés dans des sachets côtoient des bouteilles de gaz butane pour la cuisson des gâteaux pour certaines et des fourneaux pour d’autres. Sous des parasols, des femmes attendent les clients.

La vente de gâteaux croquettes dans ce quartier a débuté par la famille Derme. Depuis des générations, cette famille a perfectionné l’art de la pâtisserie, transmettant ses recettes et son savoir-faire de génération en génération. C’est dans cette atmosphère que nous rencontrons Fatimata Guira, la doyenne des lieux.

Un voyage pour les papilles et les yeux

Vêtue d’un ensemble pagne et d’un foulard léger sur la tête, elle échange avec son employé, assise devant sa table. La sexagénaire, le regard plongé dans le plateau, conte ses débuts dans ce travail. “Au tout début, j’ai commencé à faire de l’alloco [banane plantain frite], de l’igname frite, des gâteaux fourrés au poisson… Alors j’ai décidé d’essayer avec les gâteaux croquettes, et ç’a été un succès. Les gens ont aimé et la clientèle ne se faisait pas rare”, explique-t-elle.

Leur dévouement et leur passion ont contribué à faire de la rue des gâteaux un lieu incontournable. Depuis plus d’une décennie, Fatimata Guira exerce cette activité génératrice de revenus. En plus de ses employés, elle se fait souvent aider par ses filles ou ses belles-filles.

“J’ai commencé ce travail il y a de cela quarante ans environ. Au début je faisais ce travail avec mes enfants. Mais, à présent, j’ai embauché d’autres filles pour m’aider. Mes belles-filles aussi sont là”, dit-elle. Elle poursuit en disant qu’aujourd’hui, elle est fière de son travail. “Autrefois, quand vous arriviez ici, nous [n’étions pas plus de] trois personnes à faire les gâteaux. Mais actuellement, il y a plusieurs femmes qui le font tout le long de la rue. Et je suis contente”, argue-t-elle tout enthousiaste.

Malgré les apparences, ce travail n’est pas de tout repos. Fatimata Guira, âgée de plus de la soixantaine, à la démarche lente, commence à s’épuiser. Elle prépare la relève avec ses belles-filles, comme Aminata Zoundi, qui a appris le métier après son mariage, il y a vingt ans. “De temps en temps, je l’aide, car avec son âge, ce n’est pas simple. Quand je suis arrivée dans la famille de mon mari après le mariage, il se trouvait que ma belle-mère faisait les gâteaux. Donc, j’en ai profité aussi pour apprendre avec elle, et, depuis, tout se passe bien”, relate la dame, la quarantaine environ.

La bravoure des femmes

À travers cette activité, ces femmes arrivent à subvenir à leurs besoins quotidiens et aussi à gérer la scolarité de leurs enfants. Abdoul Gafar Dermé, le petit-fils de Fatimata Guira, peut poursuivre ses études grâce à cette activité. Il n’hésite pas à leur apporter son soutien quand le temps le lui permet.

Mais actuellement, le marché est au ralenti. “Aujourd’hui, c’est grâce à ce travail qu’elles paient nos scolarités et qu’elles arrivent à subvenir aux besoins de la famille. Actuellement, il n’y a plus de marché, donc c’est difficile pour elles”, se désole-t-il.

Auparavant, cette rue était bondée de clients se bousculant devant les tables de gâteaux. Aujourd’hui, le constat n’est plus le même. Avec la cherté des produits, et la situation du pays, le marché est au ralenti. “Auparavant, je gagnais un bénéfice de plus de 15 000 francs CFA [22,80 euros], mais aujourd’hui ce n’est plus le cas, avec les prix élevés des produits”, déplore la vieille dame.

Malgré un marché en berne, ses clients ne l’abandonnent pas. Issa, par exemple, continue de se ravitailler en gâteaux pour le plaisir de ses enfants. “Quand j’achète ces gâteaux et que je les [rapporte] à la maison, tout le monde est content. J’apprécie la bravoure de ces femmes, car de par leur activité elles mettent en valeur nos produits locaux. Quand j’arrive, je peux en prendre pour 1 000 FCFA [1,50 euro]”, explique-t-il.

La rue des gâteaux, c’est aussi une histoire de réussite qui se transmet de génération en génération, de Fatimata Guigma en passant par Aminata Zoundi et jusqu’à Abdoul Gafar Dermé. Cette rue des gâteaux permet à plusieurs femmes de se faire un peu de revenus. Malgré la morosité du marché, la rue des gateaux conserve son caractère unique, mêlant tradition et innovation.

Source : Courrier international – Le 16 juin 2024

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page