Vu d’Afrique : « Si Jordan Bardella arrive aux affaires en France, cela ne changera pas grand-chose pour nous »

L’hypothèse d’un gouvernement français dirigé par le Rassemblement national laisse indifférent dans la plupart des présidences africaines, signe d’un renouvellement de la relation entre Paris et ses anciennes colonies.

Le Monde – Entre indifférence vis-à-vis de la progression de l’extrême droite en France et inquiétude pour leurs ressortissants installés dans l’Hexagone, les dirigeants africains sont restés discrets sur les résultats des élections européennes du 9 juin lors desquelles le Rassemblement national (RN) est arrivé en tête des votes avec 31,4 % des voix et sur la dissolution de l’Assemblée nationale à Paris. Dans les présidences et les ministères d’Afrique francophone, les résultats qui sortiront des élections législatives, le 7 juillet, sont attendus sans fébrilité.

« Avant, quand ça toussait à Paris, ça éternuait à Dakar ! », ironise un proche d’Ousmane Sonko, le premier ministre sénégalais : « Là, la dissolution n’a pas fait réagir l’exécutif, même la presse n’en a que très peu parlé. Cela démontre la rupture en cours dans nos relations avec la France. La nouvelle génération ne considère plus Paris comme le métronome de nos existences. »

Ousmane Sonko, le leader du Pastef (Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité), et son ex-bras droit devenu président, Bassirou Diomaye Faye, affichent depuis plusieurs années leur proximité avec La France insoumise (LFI) et son fondateur, Jean-Luc Mélenchon, qui était à Dakar en mai. Ils prônent eux-mêmes le souverainisme et ont fondé leur discours en matière de politique étrangère sur la fin du néocolonialisme, incarné par le franc CFA et la présence de base militaires françaises dans certaines anciennes colonies.

En revanche, l’ancien président Macky Sall avait pris au sérieux Marine Le Pen, figure de proue de l’extrême droite française, qu’il avait reçue en janvier 2023 au palais présidentiel, provoquant alors la controverse. Un de ses conseillers avait alors avoué « ne pas pouvoir ignorer le Rassemblement national ».

« Un non-sujet »

Aujourd’hui, l’hypothèse de voir son poulain, Jordan Bardella, aux commandes du prochain gouvernement français est « un non-sujet », selon Vieux Aidara, un cadre du Pastef. Et de citer l’exemple de Giorgia Meloni, qui, par ses discours ciblant l’immigration, avait suscité des inquiétudes dans les pays africains qui disposent de fortes communautés en Italie : « Malgré son accession au pouvoir [en octobre 2022], il n’y a pas eu de modifications dans les relations entre l’Italie et le Sénégal. » « Les nouveaux gouvernants français, eux aussi, seront rattrapés par la réalité », veut croire une source mauritanienne.

Longtemps considéré comme infréquentable, le parti héritier du Front national (FN) déploie ses réseaux en Afrique alors que, dans le même temps, la diplomatie française perd de son influence. Outre son voyage au Sénégal, Marine Le Pen s’était déplacée au Tchad en 2017, peu avant le premier tour de l’élection présidentielle. Elle y avait pourfendu la Françafrique au côté du président d’alors, Idriss Déby Itno, vieil allié de la France dans la région, et assuré vouloir établir une « relation adulte » avec le continent.

Sept ans plus tard, le RN fait partie du paysage pour les décideurs en place à N’Djamena. « Ces élections sont un cataclysme pour la vie politique française, mais si Jordan Bardella arrive aux affaires, cela ne changera pas grand-chose pour nous, confie un officiel. On s’adaptera d’autant plus facilement que Marine Le Pen a été la première à féliciter notre président [Mahamat Idriss Déby] après son élection [en mai]. »

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Source : Le Monde

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