Vu du Burkina Faso – Brice Oligui Nguema, le militaire gabonais pour qui Paris déroule le tapis rouge

Le président de la transition gabonaise, Brice Oligui Nguema, entame le 28 mai une visite officielle de cinq jours en France. L’accueil cérémonieux réservé à ce putschiste tranche avec la relation glaciale qu’entretient Paris avec d’autres juntes militaires africaines. L’analyse du journal burkinabè “L’Observateur Paalga”.

Courrier international – Pour son premier voyage officiel en Europe, le tombeur d’Ali Bongo Ondimba a choisi l’Hexagone pour un déplacement de cinq jours. Un séjour qui sera ponctué, entre autres, d’une participation au forum économique “Invest in Gabon”, coorganisé par le patronat français, un entretien avec son homologue français, Emmanuel Macron, et une sortie dans la Somme à l’occasion de la commémoration de la bataille d’Airaines de 1940, à laquelle ont pris part de nombreux tirailleurs sénégalais.

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Si depuis l’indépendance du pays, en août 1960, le voyage d’un président gabonais sur les bords de la Seine passait pour classique, voire anodin, celui du général Brice Oligui Nguema revêt un cachet particulier.

En effet, il intervient après le coup d’État du 30 août 2023, qui a mis fin au pouvoir d’Ali Bongo Ondimba et par la même occasion à plus de cinq décennies de règne de la dynastie Bongo. Un demi-siècle de patrimonialisation du pouvoir et de prédation des ressources de l’une des plus vieilles colonies françaises d’Afrique avec la bénédiction de l’ancienne métropole.

Méthode douce

Depuis que cette lame de fond s’est abattue sur le Palais du bord de mer [résidence officielle du président gabonais], tout naturellement l’on se demandait vers quels horizons les militaires comptent diriger le pays.

Allaient-ils s’inscrire dans la continuité ou fallait-il s’attendre plutôt à la rupture ?

La question se posait d’autant plus qu’en Afrique occidentale, sur fond de sentiment antifrançais, des militaires ont accaparé le pouvoir au Burkina Faso, au Mali et au Niger, notamment au grand dam du coq gaulois, accusé à tort ou à raison de ne pas faire assez dans la lutte contre le terrorisme, quand une partie de l’opinion ne l’accuse pas ouvertement de collusion avec les groupes djihadistes qui ensanglantent le Sahel.

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Mais au fil du temps, ceux qui rêvaient d’un “French bashing” à la sauce bantoue ont dû déchanter, car force est de reconnaître qu’à l’opposé de ses frères d’armes du Sahel le général Nguema a opté, sinon pour la continuité, du moins pour des réglages par la méthode douce.

“Bien sûr qu’avec la France il y a une histoire avec des hauts et des bas. Et s’il y a des ajustements à faire, nous les ferons, mais nous ne sommes pas dans une logique pseudo-révolutionnaire panafricaniste. Paris n’a aucune raison de s’inquiéter”, a déclaré une source proche du pouvoir gabonais, selon RFI.

Pas de vagues au Palais du bord de mer

C’est donc dire que cette visite du numéro un du Comité pour la transition et la refondation des institutions (CRTI) s’annonce comme un renouvellement de vœux de fidélité aux relations qui ont toujours uni Paris et Libreville. Donc pas de vagues au Palais du bord de mer.

Il n’est pas superflu de penser que ce déplacement, préparé avec minutie entre les deux États, s’inscrit dans une sorte de logique de normalisation des rapports avec l’Hexagone.

En effet, sous le président déchu, Ali Bongo Ondimba, le Gabon avait fait le choix d’un rapprochement diplomatique avec les Britanniques et les Américains à la suite de son adhésion au Commonwealth, alors que sur les plans commercial et économique, le tapis rouge était déroulé sous les pattes de l’ogre chinois.

Mais depuis l’arrivée des militaires aux affaires, Libreville ne cesse de multiplier les gages d’assurance. En direction de l’Élysée.

Ainsi, par exemple, de l’audience, au lendemain du coup d’État, accordée par le nouvel homme fort à l’ambassadeur français et au patron de la DGSE. Ainsi également de son entretien avec Emmanuel Macron en marge de la COP28, tenue en décembre dernier à Dubaï.

À cela s’ajoute le rétablissement par la junte des signaux de RFI et de France 24, interrompus quatre jours avant le pronunciamiento.

Intervenant dans un contexte d’effritement de l’influence française en Afrique occidentale et centrale notamment, cette visite du chef de l’État gabonais vaut bien son pesant d’enjeux pour Paris, dont l’âge d’or diplomatique, économique, géopolitique et géostratégique est entré dans son âge critique.

Source : Courrier international

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