Jeune Afrique – Alors qu’une femme se trouve dans un aéroport en provenance du Maroc avec son fils, la douane demande à contrôler ses bagages. Dans ses valises, rien à signaler, mais une drôle d’ondulation sous son manteau alerte l’agent. La voyageuse retire son vêtement et on découvre ce qu’elle cache : des sachets remplis de reptiles, de batraciens, d’insectes et d’araignées. La scène d’introduction de Roqya, le premier long métrage de Saïd Belktibia, avec Golshifteh Farahani, nous met tout de suite dans l’ambiance : nous sommes plongés en plein film de genre.
Guérisseurs, sorcellerie et réseaux sociaux
Une roqya est « une invocation pour guérir un mal », est-il précisé dans le générique. Nour est une jeune femme qui vit de la vente d’animaux exotiques auprès de guérisseurs se revendiquant de toutes confessions religieuses. Séparée de Dylan, elle élève seule leur fils Amine. Son ex rechigne à payer la pension qu’il lui doit. Lors de la ruée vers l’or, ce sont les fabricants de pelle qui ont fait fortune, explique-t-elle à son fils. C’est pourquoi elle crée un nouvel outil pour développer son affaire : Baraka, un Doctolib des sciences occultes qui met directement en relation le client et le soigneur. La popularité de l’application explose mais les problèmes commencent quand un jeune homme exorcisé se défenestre. Nour est jugée sur la grande place publique virtuelle que sont les réseaux sociaux et le tribunal populaire informel la condamne pour sorcellerie…
Derrière l’action, des sujets de fond
Roqya est une vraie réussite qui tient sa première promesse, celle d’être un thriller palpitant. On a peur avec Nour, traquée par la horde de ses poursuivants, grâce à des plans de cinéma saisissants. De scène en scène, la tension monte et le spectateur est rattrapé par l’angoisse en même temps que les personnages. Impeccable sur le plan formel, Roqya aborde des sujets de fond : les guérisseurs, qui habillent de foi leur petit business florissant grâce à la crédulité et la détresse des gens ; les débordements sur les réseaux sociaux, ou comment le cyberharcèlement peut conduire à de véritables agressions physiques dans la rue et à un lynchage de groupe incontrôlable.
Mabrouck Rachedi
Source : Jeune Afrique
Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com