« Pourquoi, entre nous, non arabes de la même communauté, on utilise des mots et expressions de langues étrangères (arabe, français,…)? Prenons garde! L’arabe, avec l’appui d’un Etat raciste, est en train de dépasser l’autre assimilation par le français. Privilégions nos langues nationales pulaar, soninké et wolof. Elles sont vraiment très menacées en Mauritanie. » Siree KAN, 11/04/2024 .
C’est quand on utilise les mots ou expressions d’un autre peuple qu’on renforce sa domination sur nos peuples.
Si l’utilisation volontaire de mots étrangers peut faire respirer une langue et la faire évoluer, le transfert de mots imposé par une culture dominante peut faire disparaître d’autres cultures et civilisations.
Les peuples autochtones de Mauritanie doivent faire attention et protéger coûte que coûte leurs langues maternelles, c’est un patrimoine inestimable leur mémoire sur plusieurs milliers d’années.
On voit par exemple des échanges en langue française où on se souhaite Eid Moubarak. C’est un exemple typique d’expansion de l’arabe en utilisant l’islam.
Eid Moubarak=bonne fête. Pourquoi ce forçage?
De la part d’un arabe, on comprend. On peut être fatisfait de la progression de sa langue ou tout élément de sa culture. Il me semble qu’il y a au moins 600 mots arabes dans la langue française. Là n’est pas le problème. Je suis pour la libre compétition entre les langues et cultures. C’est qui est moins loyal est quand un Etat essaye de détruire certaines langues pour imposer une seule langue à toutes les autres composantes.
C’est ce qu’on observe en Mauritanie et il est de notre devoir de protéger nos langues, premiers véhicules de nos us et coutumes, de notre histoire, du génie de nos peuples.
Pour le pulaar par exemple:
Ne dites Eid Mubarak, dites Juul mo wuuri
Ne dites pas Eid El Fitr, dites Juulde koorka
Ne dites pas Simah, dites yaafo mi
Ne dites pas Ramadan Kareem, dites koorka jaɓaaɗo
Ne dites pas laylatu lqadr, dites jamma hoddiru
Ne dites pas Salam aleykum, dites jam woni e mon
Etc…
La traduction mot à mot est souvent une sorte de soumission à une langue maîtresse, voire sacrée. Refuser ce diktat en optant pour la résurgence de la vraie âme de la parole d’antan. L’oralité africaine et ses mystères doit être retrouvée, c’est cela le vrai verbe des ancêtres, l’authentique sens de la lutte contre la colonisation linguistique.
Les populations ne sont pas outillés pour se réapproprier les éléments de leurs langages. Il faudrait écrire un dictionnaire pour transcrire en pulaar, wolof et soninké tous les mots arabes qui s’invitent par force dans des conversations où il n’y a aucun arabe. Il n’y a pas que l’islam qui aide les arabes de Mauritanie à asseoir leur domination culturelle et politique. Il y a l’école, l’administration, la justice, la communication officielle,…
Si on communique avec un arabe qui ne comprend pas nos langues maternelles, on peut lui parler dans sa langue si on peut. C’est le bon sens. Mais pourquoi, entre nous, non arabes de la même communauté, on utilise des mots et expressions de langues étrangères (arabe, français,…)? Prenons garde! L’arabe, avec l’appui d’un Etat raciste, est en train de dépasser l’autre assimilation par le français. Privilégions nos langues nationales pulaar, soninké et wolof. Elles sont vraiment très menacées en Mauritanie.
11 avril 2024
Siree KAN alias Sammba Ndeet
PS : ceux qui me connaissent savent qu’en prive je n’écris et parle quasiment qu’en pulaar avec un haalpulaar, i.e toute personne parlant cette langue. J’essaie d’écrire le wolof, langue que j’utilise avec ceux ou celles qui la parlent. Si les noirs mauritaniens n’écrivent pas leurs langues, elles disparaîtront, et des pans entiers de leurs identités cultures sombreront à jamais dans l’oubli.
(Reçu à Kassataya.com le 11 avril 2024)
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