« Siqal, l’antre de l’ogresse », de Mouha Harmel : une fiction romanesque douée de la force du conte

LE LIVRE DE LA SEMAINE. Grâce au roman de l’auteur tunisien, le lecteur circulera sans cesse de l’émerveillement à la peur, de la tendresse et l’amour terrestres à la terreur des cauchemars nocturnes.

Le Monde  – Certains adultes l’ignorent ou l’ont oublié, mais il se trouve, de l’autre côté de notre univers, un monde proche mais invisible, perceptible à qui accorde foi aux rêves ou sait être attentif aux sensations, intuitions et aux signes. Y circulent certaines créatures surnaturelles et malfaisantes qui, parfois, outrepassant l’ordre normal des choses, veulent franchir la paroi de l’invisible pour aller s’en prendre aux humains…

C’est de ce postulat, aussi imaginaire que spirituel et intime qu’est parti l’écrivain tunisien Mouha Harmel pour écrire son réjouissant roman-conte Siqal, l’antre de l’ogresse, récemment paru au format poche. « L’origine de mon désir d’écriture coïncide avec les contes d’ogres et d’ogresses que me racontait ma grand-mère, que j’écoutais avec horreur et fascination mêlées », explique-t-il dans l’avant-propos de son livre, avant d’évoquer plus précisément au début du texte, le destin de son aïeule Ommi Aziza qui fut mariée à l’âge de 12 ans seulement à un homme de 30 ans.

L’enfant, saisie d’effroi au soir de ses noces, eut le courage de se révolter en prenant la fuite. « C’était sa première histoire avec un ogre, commente le narrateur. Sa première histoire à raconter. Le récit de sa fuite du château du monstre. Or, après une telle mésaventure, il n’y a plus d’autre destin que celui de l’écriture, mais comme ma grand-mère n’avait appris ni à lire ni à écrire, elle écrivait les histoires dans sa tête et gravait leurs musiques à jamais dans son cœur. Puis elle les racontait à ses enfants et petits-enfants. »

On comprend avec ces quelques lignes que l’univers littéraire proposé par Mouha Harmel mêlera tout à la fois la fiction romanesque et la force symbolique voire psychanalytique du conte. Il s’agira pour le lecteur de circuler sans cesse de l’émerveillement à la peur, de la tendresse et l’amour terrestres à la terreur des cauchemars nocturnes.

Entre les mondes du réel et de l’imaginaire

Il s’agira de la sorte aussi de vivre sa lecture aux côtés des personnages, tout à tour comme une aventure ou une épreuve, tout à la fois dans son esprit, son corps et son cœur, car l’écrivain se refuse précisément à établir une frontière entre les mondes du réel et de l’imaginaire.

Après tout, « les hommes finissent toujours par oublier. Il suffisait de quelques générations pour que l’horreur fût dissipée ou transformée en contes à faire frissonner les enfants. Les faits deviennent très vite des légendes et alors tout peut recommencer à nouveau ».

Quant à l’histoire contenue dans le livre, c’est principalement celle d’une famille dont le père, veuf et riche commerçant, a quatre filles. Devant un jour partir pour un long voyage, il charge son aînée, Emna, de veiller sur ses sœurs, mais fait également ingérer à son chien de garde une nourriture-talisman, préparée par un marabout, qui renforce la fidélité et la vigilance de l’animal. Hélas, le père n’a pas plutôt le dos tourné qu’une ogresse, Siqal, contrefaite en vieille tante éloignée, cherche à s’introduire auprès de ses prétendues nièces.

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Siqal, l’antre de l’ogresse, de Mouha Harmel (éd. Déméter, coll. Poches, Tunis, 184 pages, 7 euros).

 

 

 

 

Source : Le Monde

 

 

 

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