
Le Parisien – La continuité ou le changement ? Les Sénégalais sont appelés à trancher : ils votent ce dimanche pour élire le cinquième président du pays. Parmi la vingtaine de candidats, dont certains se sont désistés, se sont imposés comme favoris Amadou Ba, le dauphin du président sortant Macky Sall, et Bassirou Diomaye Faye, un prétendant antisystème. Un bras de fer à l’issue encore incertaine, après trois ans d’agitation et une récente grave crise politique suite au report de l’élection, initialement prévue le 25 février.
Les concurrents, qui se trouvaient jusqu’alors relativement dans l’ombre tous les deux, se sont invectivés l’un l’autre pendant la courte campagne présidentielle de deux semaines seulement, et affirment désormais pouvoir l’emporter dès ce dimanche sans passer par un second tour. On fait le point sur le profil de ces deux adversaires, jadis anciens collègues dans l’administration des Impôts, et que désormais tout oppose.
Amadou Ba, un « serviteur de l’État » dans la lignée de Macky Sall
Le président sortant Macky Sall, aux commandes depuis 12 ans et largement reconduit en 2019, ne se présente pas à sa réélection. Il a passé le relais à celui qui a été son discret Premier ministre il y a encore quelques semaines, Amadou Ba, 62 ans, un ancien gouvernant de l’ombre poussé désormais dans la lumière. Au grand dam de certains caciques du camp présidentiel, qui craignent une défaite assurée et lui opposent trois candidatures dissidentes. Fin janvier, il avait été accusé d’avoir soudoyé deux juges du Conseil constitutionnel, avant que Macky Sall ne le confirme finalement comme son candidat et rappelle la coalition gouvernementale à l’ordre.
Fort de ce soutien, Amadou Ba a affiché un ton plus offensif ces derniers jours dans la campagne, se présentant en continuateur de l’action de son prédécesseur et un « serviteur de l’État ». Il veut aussi miser sur image d’homme pondéré qui maîtrise ses dossiers pour convaincre, se présentant en rempart contre les « aventuriers » et les « amateurs » et promettant de lutter contre les « bandits ». Chef du gouvernement de septembre 2022 à début mars 2024, auparavant ministre des Affaires étrangères jusqu’en 2020, il a été ministre de l’Économie de 2013 à 2019, jouant les premiers rôles dans la mise en œuvre du Plan Sénégal Emergent, vaste programme pluriannuel de développement.
« Nous n’avons pas besoin de responsables ayant besoin de deux ans d’apprentissage (…) Nous avons besoin de consolider nos acquis. Nous avons besoin d’aller encore plus vite et plus loin », a-t-il dit lors de son dernier meeting vendredi. Il a ainsi l’ambition de créer un million d’emplois en cinq ans et promis d’être « président de l’emploi des jeunes », alors que les trois quarts des Sénégalais ont moins de 35 ans, comme le rappelle France 24. Il souhaite notamment investir dans l’agriculture, l’industrie, les infrastructures et les énergies renouvelables.
Mais encore faut-il convaincre les électeurs après de longues années de crise qui ont fragilisé le pays. Amadou Ba doit en effet assumer l’héritage handicapant du président Sall : une pauvreté persistante, un chômage élevé, un endettement lourd, le départ en pirogue de milliers de personnes chaque année pour l’Europe… Autant de difficultés qui ont nourri les tensions sociales. Et sur le plan politique à proprement parler, le pays est en proie à des épisodes de troubles depuis 2021 causés par le bras de fer entre Ousmane Sonko, à la tête du parti Pastef et guide du candidat Bassirou Diomaye Faye.
Ces dernières semaines, le président Sall avait maintenu un flou sur une potentielle candidature à un troisième mandat, et la présidentielle a été repoussée dans une atmosphère de confusion générale, donnant lieu à des manifestations émaillées de heurts mortels. Au fil des années, des dizaines de personnes ont été tuées et des centaines arrêtées, mettant à mal l’image du pays, injustement selon le gouvernement.
Bassirou Diomaye Faye, le pari du « changement de système »
Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye, détenus pendant des mois, ont été libérés le 14 mars après l’ouverture de la campagne, une annonce accueillie par des scènes de liesse à Dakar. Mais Ousmane Sonko a été disqualifié de la présidentielle et a dû laisser la main à son bras droit et second, qu’il a présenté comme son « petit frère » et au service duquel il s’est mis.
Bassirou Diomaye Faye, 43 ans, est beaucoup moins populaire et charismatique que son guide, mais il affiche malgré tout sa détermination : il a assuré lors d’un dernier rassemblement vendredi être « prêt » à devenir président. « Diomaye mooy Ousmane » (« Diomaye c’est Ousmane »), martèle le parti Pastef et ses supporters, qui mettent en avant « son charme et sa perspicacité ».
Source : Le Parisien
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