
Slate – Cette année, le Maroc a officiellement rejoint la Zone de libre échange continentale africaine (Zlecaf). L’Afrique du Sud a, de son côté, réalisé ses premières exportations sous ce régime douanier. Cinquante-quatre États africains ont signé cet accord Zlecaf, c’est-à-dire tous les pays d’Afrique, y compris ceux du Maghreb, à l’exception de l’Érythrée. Quarante-sept l’ont également ratifié et quarante-cinq d’entre eux ont d’ores et déjà soumis leur liste provisoire de concessions tarifaires.
Il s’agit pour chaque État africain de définir progressivement, et de son propre chef, sans négociation, les produits qu’il accepte d’importer en provenance des autres pays africains membres de la Zlecaf, avec peu ou pas de droits de douanes. C’est un pari : tous espèrent que cette intégration continentale par le commerce, c’est-à-dire l’intensification des liens commerciaux interafricains, soutiendra leur développement.
Les promesses sont enchanteresses. Selon un rapport de la Banque mondiale faisant l’hypothèse d’un commerce continental totalement libre de taxes douanières –ce qui est encore loin d’être le cas– la Zlecaf pourrait sortir 30 millions d’Africains de l’extrême pauvreté et augmenter les revenus de près de 68 millions d’autres personnes qui vivent avec moins de 5,5 dollars par jour, en augmentant les salaires de près de 10% d’ici 2035.
Négociations isolées
Cependant, en parallèle de la Zlecaf, les États africains poursuivent aussi, chacun de leur côté, la négociation d’accords de libre-échange avec des pays hors de l’Afrique. L’Union européenne a ainsi lancé dans les années 2000 la négociation d’accords de partenariat économique (APE), où les États africains acceptent d’ouvrir progressivement leurs marchés sans droits de douane aux produits venus d’Europe pour conserver leur accès historiquement libre de droits de douane au marché européen.
L’UE a d’abord lancé les négociations avec tout le groupe des pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique), qui regroupe les anciennes colonies européennes. Faute de succès, elle a ensuite négocié seulement avec l’Union africaine, puis, face à sa résistance, avec les communautés économiques régionales (CER) africaines séparément, et enfin, avec quelques pays isolés seulement. Aucun accord global Afrique-UE n’a été trouvé, «en raison d’une grande fragmentation au sein des CER et de l’Afrique dans son ensemble. L’Afrique n’a pas présenté un front uni envers l’UE, et l’UE en a profité», explique Jane Nalunga, directrice exécutive en Ouganda de l’Institut d’information et de négociations commerciales d’Afrique australe et orientale (Seatini).
Le cas du Kenya est exemplaire. Le pays a signé le 18 décembre dernier, seul et contre l’avis des autres États membres de la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE), un APE avec l’Union européenne et, deux ans plus tôt, avec la Grande-Bretagne à la suite du Brexit. Neuvième économie du continent, ses grandes entreprises influentes sont devenues dépendantes des marchés européen et britannique pour leurs exportations de fruits, de légumes et –de façon très notable– de fleurs.
Louis Pillot
— Édité par
Source : Slate (France)
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