La vaccination dans les colonies

La médecine occidentale a sauvé des millions de vies. Mais aux premières heures du colonialisme, de nombreux vaccins ou médicaments dangereux ont été testés sur des patients africains sans leur consentement.

Cet article s’inscrit dans la série « Dans l’ombre de la colonisation allemande » proposée par DW Afrique.

En dix épisodes, un podcast vous accompagne tout au long de l’histoire sombre des colonies allemandes en Afrique, de la fin du XIXè siècle à 1918.

La médecine occidentale a sauvé des millions de vies. Mais aux premières heures du colonialisme, de nombreux vaccins ou médicaments dangereux ont été testés sur des patients africains sans leur consentement.

Ce traumatisme est passé sous silence. Mais les descendants de ceux qui ont souffert de ces pratiques ne les ont pas oubliées.

Vous vous rappelez peut-être de l’incrédulité des observateurs occidentaux face au rythme particulièrement lent des vaccinations en Afrique, pendant la pandémie de la Covid-19 ?

Eh bien, l’histoire peut nous donner des pistes pour comprendre ce phénomène.

Les maladies « exotiques »

 

Les années 1870 et 1880 ont été marquées par un regain d’intérêt pour la recherche en médecine tropicale. Au même moment, les nations européennes se bousculent pour le contrôle de l’Afrique.

Les colonialistes savent qu’une présence physique est nécessaire pour asseoir leur domination. Et pour cela, ils doivent s’adapter aux conditions de vie du continent, en particulier à l’intérieur des terres. Ce qui, à l’époque, était loin d’être acquis.

Une « fièvre » décime les Blancs dans les colonies naissantes du Cameroun et du Togo. Très peu de colons parviennent à survivre au-delà du littoral. La maladie est un facteur si important qu’elle a même, dans une certaine mesure, dicté la politique coloniale allemande.

 « Au XIXe siècle, l’Afrique, et plus particulièrement l’Afrique de l’Est, est connue comme le tombeau des hommes blancs. Ils souffrent des rigueurs du climat, mais aussi des maladies », explique Philemon Mtoi, analyste spécialisé dans l’histoire de la santé en Afrique de l’Est.

Le cherche poursuit : « Avant l’arrivée des Allemands en Afrique de l’Est, en particulier en Tanzanie, les populations locales avaient créé un environnement favorable à l’équilibre écologique, pour gérer les maladies elle-même. Ils savent comment les détecter; ils savent comment les atténuer.  Par ailleurs, ils préservent la structure écologique, ce qui permet d’éviter la propagation de la maladie. Les Allemands, eux, utilisent la technologie et détruisent les forêts. Des maladies très graves, comme la maladie du sommeil et la peste bubonique, se sont propagées. »

L'entrée monumentale de l'Institut Robert Koch à Berlin (photo de 2011)
Robert Koch a donné son nom à un grand institut médical allemandImage : Tobias Kleinschmidt/dpa/picture alliance

Les maladies européennes

 

L’arrivée des Européens en Afrique a aussi entraîné la circulation de nouvelles maladies, auxquelles les populations locales n’avaient jamais été exposées. Bien sûr, des maladies tropicales comme le paludisme circulaient déjà. Mais peu d’Africains étaient immunisés contre des maladies courantes en Europe, comme la variole.

Lorsqu’il s’agissait de traiter ces fléaux, les médecins européens étaient curieux de savoir comment allaient fonctionner les nouveaux médicaments. Comment les patients allaient-ils s’en sortir ? Ça, ça les intéressait moins. En revanche, les autorités cherchaient à minimiser les pertes subies parmi la main-d’œuvre coloniale.

Dès les années 1880, des vaccins efficaces contre la variole étaient disponibles en Europe. En fait, en 1874, l’Empire allemand avait même mis en place une campagne de vaccination obligatoire contre cette maladie.

Vaccinations forcées

 

Mais dans les colonies, les médecins coloniaux administraient des vaccins périmés, inefficaces. Ils ne s’intéressent pas à la médecine traditionnelle locale et ses remèdes. Les habitants sont vaccinés par la force.

L’analyste Toyem Fogang décrit comment les médecins coloniaux allemands ont réagi à l’épidémie de variole qui s’est déclarée au Togo au début des années 1900 :

« La vaccination est la première méthode employée pour lutter contre les maladies. Il en existe d’autres. Les guérisseurs traditionnels ou les soignants refusaient ces vaccinations en disant que c’était mauvais pour leur culture. Ils ne l’acceptaient pas. Mais les forces de l’ordre mettaient tout en œuvre pour faire respecter les campagnes de vaccination. »

Crise de confiance durable

 

Et malgré une campagne de vaccination musclée, dans la seule région où se situe Lomé, des villages entiers sont emportés par la variole. En 1911, les médecins coloniaux freinent la campagne et lancent une étude. Ils modifient leur processus de vaccination et la menace de la variole recule dès 1914. Mais le mal était fait. La confiance dans la médecine occidentale est brisée. Ce qui a créé un tout autre problème, selon Toyem Fogang :

« Les maîtres coloniaux ont profité de la maladie, ou de la menace de la maladie. En affirmant posséder le remède, ils ont pu installer un certain discours, en l’occurrence : « D’accord, nous sommes des maîtres coloniaux. Nous vous demandons de travailler dans les plantations, mais nous avons aussi un remède pour vous guérir de la maladie. » »

Photo prise lors de l'expédition de Robert Koch pour étudier la maladie du sommeil en Afrique de l'est (photo de 1905-1906)
Photo prise lors de l’expédition de Robert Koch pour étudier la maladie du sommeil en Afrique de l’est (photo de 1905-1906)Image : akg-images/picture alliance

Robert Koch

 

La médecine coloniale n’était pas réservée aux sadiques ou aux rebuts de la communauté médicale. Robert Koch, le plus grand nom de la médecine allemande de l’époque, s’y intéressait de près.

Robert Koch était un scientifique respecté, à juste titre. Il avait fait des découvertes cruciales dans la lutte contre des maladies mortelles comme la tuberculose, l’anthrax et le choléra. On le connaissait déjà comme le père de la microbiologie.

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La rédaction francophone

 

 

 

Source : Deutsche Welle (Allemagne)

 

 

 

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