En Côte d’Ivoire, les universités publiques prêtes à fonctionner « comme des entreprises »

Soucieux d’insérer ses jeunes diplômés, dont le taux d’emploi post-études stagne à 32 %, le gouvernement mise sur la réforme de ses universités et sur la généralisation des stages.

Le Monde – Etudier et après ? La question tourmente Stanislas Konan, 24 ans, en master de criminologie à l’université Félix-Houphouët-Boigny d’Abidjan. Le jeune homme se résigne déjà à se réorienter, « peut-être dans l’informatique », pour espérer trouver un emploi.

Chaque année, quelque 40 000 étudiants sortent, diplôme en poche, des universités publiques et écoles privées de Côte d’Ivoire. Selon les derniers chiffres officiels de 2019, seuls 31,7 % d’entre eux trouvent un emploi à la fin de leur formation, un taux quasi similaire pour ceux issus de la formation professionnelle.

La population estudiantine progresse chaque année de 6,3 % pour avoisiner aujourd’hui les 300 000 personnes, mais le marché du travail n’est capable d’absorber de telles cohortes. « Plus de la moitié de nos étudiants occupent des postes en deçà de leur niveau d’étude », observe Coulibaly Djakaridja, directeur de l’Observatoire de l’insertion professionnelle des diplômés de l’enseignement supérieur (Oipdes). Un fossé que les autorités entendent combler en renforçant la sélection à l’université et en ajustant les contenus des enseignements aux besoins des entreprises.

En 2018 déjà, la Banque africaine de développement (BAD) alertait sur le risque d’une « croissance sans emploi » pour les économies ouest-africaines. « On observe aujourd’hui une insuffisance des offres dans le secteur tertiaire qui correspondent au niveau de qualification des étudiants », remarque l’économiste ivoirien Yao Seraphin Prao. Une tendance que la réforme de l’enseignement supérieur engagée en mai 2023 veut inverser.

« Plus de pratique et moins de théorie »

Pour éviter de voir les étudiants gonfler les rangs des chômeurs (12,6 % des 15-34 ans) et ceux de l’emploi informel, qui concerne 90 % des travailleurs ivoiriens, les programmes ont été refondus avec « plus de pratique et moins de théorie » comme exigé par Adama Diawara et les neuf universités publiques du pays sont désormais « gouvernées et gérer comme des entreprises », résume le directeur de l’Oipdes. Leur nouveau statut d’établissement public à caractère scientifique et technologique (Epast) les enjoint d’avoir comme nouvelle boussole « la création d’emplois, de valeurs et d’activités industrielles ».

Cette immixtion du privé dans l’enseignement public, décidée pour renforcer l’employabilité des étudiants, s’accompagne d’un rehaussement du niveau d’admission de ces derniers et de la mise en veille de certaines filières peu pourvoyeuses d’emplois, les sciences sociales en tête.

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 (Abidjan, correspondance)

 

 

 

Source : Le Monde – (Le 18 mars 2024)

 

 

 

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