Les gangsters et les rebelles qui se disputent le pouvoir en Haïti

BBC Afrique – Un ex-flic qui aime donner des conférences de presse en brandissant un fusil de grande puissance et un jeune criminel qui aime autant jouer dans des vidéos de rap que faire du trafic d’armes et de drogues.

Ce ne sont là que deux des chefs de gangs accusés d’être à l’origine de la flambée de violence qui a embrasé la capitale haïtienne, Port-au-Prince, et entraîné la démission du Premier ministre haïtien, M. Ariel Henry.

Ajoutez à cela un ancien rebelle fraîchement sorti de prison aux États-Unis qui souhaite devenir président et vous obtenez un mélange explosif.

Alors que le pays est dans l’incertitude en attendant la création d’un gouvernement de transition, nous nous intéressons de plus près à certains des acteurs qui se disputent le pouvoir en Haïti.

Le chef de gang Jimmy « Barbecue » Chérizier

 

L'ancien officier de police Jimmy "Barbecue" Cherizier, chef d'une alliance de groupes armés, utilise un talkie-walkie après s'être adressé aux médias, à Port-au-Prince, Haïti, le 11 mars 2024.

Crédit photo, Reuters

Légende image, Jimmy « Barbecue » Chérizier est le chef de gang le plus visible, mais d’autres ont plus d’hommes sous les armes.

Cet ancien policier de 47 ans n’est peut-être pas le chef de gang le plus puissant d’Haïti, mais Jimmy Chérizier est devenu le visage le plus visible des récents troubles.

Aimant s’adresser aux journalistes vêtu de son gilet pare-balles caractéristique, l’homme largement connu sous le nom de Barbecue dirige une alliance de gangs appelée G9.

Barbecue est l’un des ennemis les plus déclarés d’Ariel Henry, dont il réclame la démission depuis que ce dernier a prêté serment en tant que premier ministre.

Le chef du G9 aime se présenter comme quelqu’un qui se bat pour les gens ordinaires et contre l’oligarchie.

Mais il a non seulement été accusé d’avoir dirigé un massacre en 2018 au cours duquel des dizaines de personnes ont été tuées, mais il a également été à l’origine du blocage du terminal pétrolier de Varreux en 2021.

Les attaques du G9 contre les livraisons d’eau et de nourriture ont provoqué de graves pénuries parmi les plus pauvres d’Haïti. Le manque de carburant causé par le blocus a eu pour conséquence que les hôpitaux ont eu du mal à faire fonctionner leurs générateurs pour prodiguer des soins cruciaux.

« Barbecue a vaguement réclamé un système plus juste et plus équitable, mais l’ironie de la situation est que ce sont les groupes armés de la capitale et des environs qui créent l’enfer que vivent les gens », explique Michael Deibert, spécialiste d’Haïti.

Barbecue prétend avoir réuni les gangs de Port-au-Prince, connus pour leurs querelles, au sein d’une coalition appelée Viv Ansanm (Vivre ensemble).

Il est difficile de vérifier cette affirmation. Mais bien qu’aucun chef de gang rival ne l’ait démenti jusqu’à présent, toute alliance risque d’être de courte durée, selon Michael Deibert.

« Ces groupes se livrent en permanence à des querelles sans merci », explique le journaliste, auteur et chercheur à l’Institut universitaire de Lisbonne (ISCTE).

Selon M. Deibert, les gangs semblent avoir trouvé un « modus vivendi » alors qu’ils tentent d’abattre les piliers de l’État. « Je ne sais pas exactement dans quel but », ajoute-t-il.

La semaine dernière, Barbecue a lancé un avertissement glaçant : une « guerre civile » pourrait éclater si M. Henry revenait en Haïti. Le leader du G9 ne s’est pas encore exprimé depuis que M. Henry a déclaré qu’il se retirerait dès qu’un conseil de transition aurait été créé.

Mais si l’on en juge par ses précédents avertissements selon lesquels les Haïtiens devraient être laissés libres de décider des affaires haïtiennes sans aucune ingérence extérieure, le déploiement prévu d’une force de sécurité multinationale en Haïti ne sera pas du goût de M. Henry.

Romain Le Cour, expert à l’Initiative mondiale contre la criminalité transnationale organisée (GI-TOC), affirme que Barbecue tire une grande partie de son pouvoir du contrôle du port et du terminal pétrolier de la capitale.

Si des forces de police internationales étaient déployées pour reprendre ces installations clés, Barbecue pourrait voir son influence diminuer, selon M. Le Cour.

MM. Le Cour et Deibert préviennent tous deux que Barbecue n’est pas, loin s’en faut, le chef de gang le plus puissant d’Haïti, mais seulement celui qui est le plus accessible aux médias.

« Beaucoup des personnages les plus puissants sont des gens qui n’accordent pas d’interviews aux journalistes », souligne M. Deibert.

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Vanessa Buschschlüter

Rédactrice en chef de BBC News Online pour l’Amérique latine et les Caraïbes

 

 

 

Source : BBC Afrique (Royaume-Uni)

 

 

 

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