France – L’entrée de l’IVG dans la Constitution, un « moment historique »

Les historiennes ou les militantes sont nombreuses à saluer une étape importante des luttes féministes. Cette inscription consacre, un demi-siècle après l’adoption de la loi Veil de 1974, la liberté des femmes à disposer de leur corps.

Le Monde – Habituellement, l’installation d’un écran géant sur la place du Trocadéro, à Paris, permet de visionner des compétitions sportives de haut niveau. Ce lundi 4 mars après-midi, sur le parvis des Droits-de-l’Homme, un événement d’une tout autre nature pourra être suivi en direct : le vote, par le Parlement réuni en Congrès, du projet de loi constitutionnel inscrivant l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution. Pour la Fondation des femmes et les associations féministes organisatrices, en partenariat avec la Mairie de Paris, il s’agit ainsi de célébrer un « événement festif et historique ».

Un « moment historique ». L’expression est revenue dans toutes les bouches depuis l’adoption, mercredi 28 février au Sénat, de ce projet de loi constitutionnel, ouvrant la voie à la réunion du Congrès. L’historienne Christine Bard, spécialiste de l’histoire des femmes et du genre, observe que « ce n’est pas si fréquent que ça que l’on qualifie un moment d’historique ». Soit « un moment que l’on ressent comme très important et qui a un retentissement symbolique fort ». L’entrée de l’avortement dans la Constitution mérite-t-elle ce vocable ? L’historienne en convient, ajoutant avec malice : « Je n’avais jamais vu au Sénat de tels cris de joie de femmes, rien que ça c’est historique. »

Dans le cas présent, la dimension historique « peut se mesurer à plusieurs niveaux », selon Bibia Pavard, également historienne des féminismes. « C’est l’argument mis en avant dans les débats par les parlementaires eux-mêmes, qui en ont fait une façon de soutenir cette constitutionnalisation ; plusieurs sénateurs ont d’ailleurs convoqué l’histoire dans leurs interventions, ancrant ce moment dans l’histoire longue des luttes féministes et de la lutte pour l’avortement depuis la loi Veil de 1974 [qui dépénalisa l’IVG]. »

« Une liberté fondamentale »

 

Une continuité revendiquée par Violaine Lucas, la présidente de l’association Choisir la cause des femmes, fondée par Gisèle Halimi, qui salue « une grande victoire, puissante, à haute portée symbolique », ainsi qu’un message important adressé aux mouvements antichoix, à l’échelle européenne.

Lors des débats parlementaires, « s’est exprimée l’idée d’un consensus autour du fait que l’avortement était une liberté fondamentale, et plus largement un soutien au droit des femmes à disposer de leurs corps, ce que Simone Veil n’aurait jamais pu dire en 1974, relève Bibia Pavard. Cette terminologie féministe qui apparaissait comme radicale dans les années 1970 est aujourd’hui prise en charge par les institutions. »

Si la loi Veil l, votée le 20 décembre 1974 et promulguée le 17 janvier 1975, est souvent évoquée comme point de repère dans l’histoire de l’avortement, Christine Bard tient à avoir, à l’heure de son entrée dans la Constitution, « une pensée pour Madeleine Pelletier, qui fut la première féministe, en 1911, à avoir défendu le droit à l’avortement, un droit qu’elle mit en pratique, et elle paya très cher son engagement », finissant sa vie dans un asile psychiatrique.

Selon l’historienne, « la panthéonisation de Simone Veil a largement préparé le terrain » à la constitutionnalisation. Les mobilisations féministes, « mais aussi le contexte politique favorable avec le travail mené au sein des deux délégations aux droits des femmes à l’Assemblée nationale et au Sénat » ont permis cette avancée. « C’est plurifactoriel et il existe aussi un féminisme d’Etat, un féminisme institutionnel (le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, par exemple) qui a joué un rôle », souligne la chercheuse.

Christine Bard y voit aussi le résultat de « quelque chose de plus vaste touchant à la liberté des femmes de disposer de leur corps ». Selon l’historienne, « dans cette ère post-Metoo, cela illustre la vigueur de la troisième vague féministe marquée par une libération de la parole sur les violences sexuelles, bien relayée et bien médiatisée ».

Au Sénat, mais aussi à l’Assemblée nationale où les députés votèrent en faveur de l’inscription de l’IVG dans la Constitution le 30 janvier, plusieurs figures furent célébrées : Simone Veil en premier lieu bien sûr, mais aussi l’avocate Gisèle Halimi, Michèle et Marie-Claire Chevalier, les protagonistes du procès de Bobigny en 1972, et, a relevé Bibia Pavard, « Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé, la fondatrice du mouvement La Maternité heureuse qui deviendra le Mouvement français pour le planning familial ».

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Source : Le Monde

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