Des soldats israéliens déployés à Gaza mettent en scène leurs exactions sur les réseaux sociaux

Humiliations, pillages, destructions… Des militaires en opération dans l’enclave palestinienne se vantent de leurs agissements sur Tik Tok ou Instagram, dans un flot de vidéos qui témoigne d’un sentiment d’impunité.

Le Monde – Il y a les humiliations, l’étalage de mépris pour les habitants de Gaza. Comme ces soldats qui s’amusent à faire du vélo dans les ruines d’un quartier pulvérisé par les bombardements, celui-là, qui s’esclaffe en tapant sur le clavier d’un ordinateur sans âge dans une école ravagée, ou bien ces autres militaires installés au domicile d’un particulier, qui singent un rendez-vous galant avec une Palestinienne incarnée par une poupée.

Il y a aussi les mises en scène de victoire, bravaches, montrant les immenses destructions causées aux infrastructures civiles, comme celle où des fantassins arborent un drapeau israélien sur le toit d’un immeuble, filmés en zoom arrière, dévoilant un océan de ruines pâles et fumantes. Il y a enfin les moments de pur vandalisme, comme ces troupes qui se plaisent à saccager et à dynamiter une mosquée vide, ne présentant aucun danger. Ou bien ce soldat passant derrière le comptoir d’une échoppe pour casser les rares marchandises qui y restent.

Toutes ces vidéos ont été postées sur des réseaux sociaux – avec une préférence pour TikTok, qui censure moins les images que Facebook, X ou Instagram – par les forces israéliennes déployées dans la bande de Gaza. Ce flot incessant d’images témoigne du sentiment d’impunité qui anime les soldats en opération dans Gaza et d’une forme de déshumanisation de la population palestinienne.

Ainsi du soldat Izidor Elgrabli, qui joue les agents immobiliers dans les ruines du quartier de Zeitoun dans la ville de Gaza, puis vante la beauté de la côte de Gaza, avant de menacer, face caméra : « On va vous écraser. » Il y a également les adeptes du pillage, comme cet homme qui attaque le coffre d’un Gazaoui à la disqueuse. Un autre brandit une paire d’escarpins, encore dans la boîte d’origine, qu’il compte offrir à sa future fiancée.

« Le symptôme d’un malaise profond »

D’autres images sont plus sombres. Un artilleur bombarde Gaza, déguisé en dinosaure. Un fantassin met le feu à une cargaison de nourritures, alors que Gaza est au bord de la famine. Un autre agite une banderole de publicité pour son salon de coiffure à côté de cadavres de Palestiniens, que des paroles de chanson comparent à des « animaux » et à « Amalek ». La première comparaison a été colportée le 13 octobre 2023 par Yoav Gallant, le ministre de la défense, qui a assimilé les auteurs du massacre du 7 octobre à des « animaux humains », donnant le signal d’une grande campagne de déshumanisation.

 

La seconde renvoie à une citation de Benyamin Nétanyahou – « Souvenez-vous de ce qu’Amalek a fait » –, une référence à l’ennemi antique du peuple juif dans la Bible, dont un commandement dans le Deutéronome appelle à « effacer la mémoire ». Cette déclaration du premier ministre israélien figure dans le dossier accusant Israël de génocide, déposé par l’Afrique du Sud devant la Cour internationale de justice. Dans la même veine, nombre de vidéos montrent l’humiliation de prisonniers palestiniens dénudés, condamnés à rester des heures assis ou debout en pleine rue, ou entassés dans des camions.

La culture de l’exhibitionnisme propre aux réseaux sociaux, couplée à un demi-siècle d’occupation de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, aux attentats terroristes, puis au massacre du 7 octobre, semble avoir libéré nombre de soldats de toute retenue. « On a vu ce genre de comportement dans le passé. Mais ce niveau de violence et sa légitimation disent beaucoup sur l’attitude générale des soldats dans l’enclave : destructions, mépris de la propriété palestinienne, humiliation et déshumanisation… Toutes ces vidéos sont le symptôme d’un malaise profond », estime Avner Gvaryahu, le directeur exécutif de l’organisation israélienne de droits humains Breaking the Silence.

 

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(Jérusalem, correspondance)

Source : Le Monde

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