«Le Retour», quand des migrants sénégalais reviennent au pays

Ce documentaire photographique aborde le parcours de trois hommes et une femme ayant quitté le Sénégal à la recherche d'une vie meilleure, avant finalement d'y revenir.

Slate – Au Sénégal, le chômage élevé pousse de nombreuses familles à considérer l’émigration vers l’Europe comme une lueur d’espoir pour un avenir meilleur.

Cependant, la réalité rencontrée à l’étranger ne correspond pas toujours aux attentes, ce qui plonge souvent les personnes qui ont émigré dans un mélange complexe de sentiments, notamment la honte et le regret. Elles portent le poids de ne pas avoir été à la hauteur des espoirs de leur famille et de leur communauté.

À travers les rencontres et les témoignages de Salamba, Macoumba, El-Hadj et Moustapha, ces divers aspects sont explorés. Leur voyage de retour est souvent compliqué, que ce soit à la suite d’un rapatriement forcé ou d’une décision volontaire, après une absence de plusieurs mois ou années. Souvent redevables d’une «dette morale» auprès de leurs familles, qui ont investi dans leur départ, il leur est difficile de devenir des fardeaux financiers. D’une solution pour nourrir leurs proches, ils se transforment en problème. Ils se sentent également tiraillés entre la quête de réintégration et l’espoir d’un nouveau départ.

C’est le cas de Salamba, qui lutte pour poursuivre ses études avec détermination. El-Hadj, de son côté, travaille dur chaque jour pour subvenir aux besoins de sa famille en tant que pêcheur. Moustapha s’investit dans une association pour aider les jeunes à trouver du travail et à comprendre les défis de la migration. Enfin, Macoumba a pris la décision de rentrer au Sénégal après avoir perdu l’usage de ses jambes en servant dans l’armée française. Il aspire à représenter fièrement son pays aux Jeux paralympiques.

Cette série explore les défis, les rêves et les réalités qui les animent, révélant une force intérieure qui continue de briller.

«Le Retour» a été mentoré par le collectif ITEM pendant un an et suivi par le photographe Nicolas Leblanc. Le fruit de ce travail est exposé dans le cadre du cycle de photoreportage à L’Escale de la Grange aux Belles, du 30 janvier au 9 mars 2024, dans le Xe arrondissement de Paris.

Salamba, 26 ans, est de retour au Sénégal depuis trois ans. Elle a tenté de partir en Espagne en 2019, dans l’espoir de continuer ses études et d’améliorer le niveau de vie de sa famille. Mais après une semaine de voyage en mer, sa pirogue a été arrêtée par les autorités marocaines. Tous les migrants de l’embarcation ont alors passé deux jours au Maroc, puis ont été rapatriés au Sénégal, à Saint-Louis. «C’était vraiment très difficile, traumatisant. J’étais la plus jeune et j’ai eu très peur.»

El-Hadj, 39 ans, est parti aux îles Canaries en 2006, avant d’être rapatrié quarante-deux jours plus tard. Au cours de cette seule année, environ 33.000 immigrants clandestins venant de la côte ouest africaine ont été enregistrés par l’agence européenne Frontex. Nombre d’entre eux avaient embarqué depuis le Sénégal (Saint-Louis, Kayar, Soumbédioune, Dakar, Mbour, Ziguinchor…), et environ la moitié était de nationalité sénégalaise.

Déterminé à repartir, El-Hadj tente à nouveau de rallier l’Europe en passant par le Maroc, en 2009, mais il est arrêté par la police marocaine, qui le rejette alors dans le désert, à la frontière algérienne. Il raconte: «Le voyage a été très dur, mais le pire, c’est le retour. Ma famille avait mis tellement d’espoir en moi. C’est une honte de partir et de revenir.»

Macoumba,sportif professionnel, se baigne dans la mer après une séance d’entraînement en handbike.

En 2002, Macoumba est envoyé en France par son père pour améliorer le niveau de vie de sa famille. Il rejoint la Légion étrangère de l’Armée française. En 2008, une blessure le laisse paralysé, mais il reste positif. En 2011, il retourne au Sénégal, se lance dans l’immobilier, et pratique le handbike à haut niveau.

«J’ai donné une partie de moi pour la France. Mes proches étaient vraiment tristes que je ne ressorte pas entier de l’armée. Mais moi, je n’étais pas triste ni en colère, car je savais ce qui m’attendait en entrant. Quand j’étais au combat, j’ai vu la mort m’entourer. Alors quand je me suis réveillé aux urgences, j’ai rigolé; j’étais tellement heureux d’être en vie. C’était une telle chance. Si je m’entraîne bien, je devrais représenter le Sénégal aux Jeux paralympiques.»

Lire la suite

Jennifer Carlos

Source : Slate (France) – Le 21 février 2024

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page