– Dans le jargon, on appelle ça « un hiver ». Soit une période de forte réduction des financements aux start-up. Dans les allées de l’Africa Tech Summit de Nairobi, le mercredi 14 et le jeudi 15 février, on s’est employé, comme lors des éditions précédentes, à mettre l’accent sur le « formidable potentiel » de l’Afrique dans l’agriculture, les cryptomonnaies ou encore l’intelligence artificielle, à évoquer les « marchés inexploités » et les « solutions innovantes » pour décrire l’écosystème foisonnant des jeunes pousses à travers le continent. Mais 2023 a surtout été synonyme de budgets serrés.
Les start-up en Afrique ont levé 3,5 milliards de dollars en 2023 (3,25 milliards d’euros), en chute de 46 % par rapport à 2022, selon un rapport publié fin janvier par le fonds Partech, qui précise que l’Amérique latine et l’Asie ont aussi été touchées.
Les turbulences macroéconomiques (inflation, dégringolade des monnaies face au dollar, craintes sur la dette, etc.) sont la première raison à cette chute. En Afrique, elles n’ont pas épargné les quatre pays-clés de l’écosystème start-up (Afrique du Sud, Egypte, Nigeria, Kenya). De plus, « en 2021 et 2022, nous avions vu des investisseurs de taille mondiale venir en Afrique. Il y avait plus de capital disponible, d’appétit des fonds pour voir ce qui se passait dans les marchés émergents. Aujourd’hui, ils sont rentrés chez eux, aux Etats-Unis ou en Europe », note Andreata Muforo, associée du fonds nairobien TLcom.
Un point de vue partagé par Maelis Carraro, associée principale de l’accélérateur de start-up Catalyst Fund, également sis à Nairobi, qui évoque une « bulle » en train de se dégonfler. « Il y a eu beaucoup d’enthousiasme pour le venture capital [capital-risque], la tech. Cela a eu un effet sur les deals qui ont été faits en Afrique, avec des valorisations qui étaient très élevées. Aujourd’hui, on voit un redressement sur ces valorisations. Mais je pense que l’histoire reste quand même très positive », ajoute-t-elle, soulignant que les financements restent largement en progression sur dix ans.
Agriculture et santé à la traîne
Malgré une tendance encourageante sur le long terme, les jeunes pousses ont durement ressenti la contraction de 2023. William Luyinda a cofondé, en Ouganda, EzyAgric, qui propose aux agriculteurs une application payante leur offrant un ensemble d’outils, dont des prévisions météorologiques et des solutions de financement. « Il y a cinq ans, nous avions levé 1,5 million de dollars en très peu de temps. Aujourd’hui, nous cherchons 1 million de dollars et c’est beaucoup plus long. C’est épuisant », explique-t-il devant un stand consacré à son projet. Pour rendre son entreprise plus attirante, et survivre au contexte délicat, il a dû licencier 35 employés sur 50. « A Kampala, beaucoup de start-up sont devenues des zombies », dit-il.
Un mètre plus loin, se tient le stand de Kokari Coconuts, start-up implantée au Nigeria et qui vise l’immense marché des intolérants au lactose (80 % des Africains, selon certaines estimations) avec du lait, des snacks et des cosmétiques à base de noix de coco. Sur ce créneau, à la croisée des biens de consommation et de l’agriculture, les investisseurs sont encore plus difficiles à convaincre, estime sa fondatrice, Ebun Feludu. « Les sociétés de capital-risque sont intéressées par la tech. Cet hiver des financements a beaucoup affecté nos entreprises plus lourdes en équipements et en personnel », souligne-t-elle.
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